Décompte général : ce qui compte c’est la notification !

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Par sa décision Commune de Châteauneuf du 19 janvier 2015, le Conseil d’État avait admis que le décompte général d’un marché, soumis au CCAG Travaux de 1976, pouvait être notifié par le maître d’ouvrage en lieu et place du maître d’œuvre. Cette solution avait de quoi surprendre, puisque selon les articles 13.32 et 13.42 dudit CCAG Travaux, seul le maître d’œuvre est autorisé à notifier pareil document. Il s’agissait donc, pour la haute juridiction administrative, d’apporter quelques souplesses dans la mise en œuvre du CCAG Travaux 1976 en faisant primer l’esprit du texte sur sa lettre. L’arrêt rendu le 3 novembre dernier par la cour administrative d’appel de Lyon, sur renvoi du Conseil d’État dans cette même affaire, est ainsi l’occasion de revenir sur cette jurisprudence novatrice.

Pour mémoire, la commune de Châteauneuf avait en l’espèce confié à la société Tenesol l’installation d’un générateur photovoltaïque sur le groupe scolaire de la commune. Après s’être vue notifier le décompte général du marché par le maître d’ouvrage, cette société avait alors choisi de contester les pénalités de retard qui lui avaient été appliquées. Celle-ci n’ayant toutefois pas respecté le délai pour contester ce décompte général, une fin de non-recevoir lui avait été opposée par la commune. L’enjeu pour la société était donc de démontrer l’irrégularité de la notification du décompte général afin de pouvoir contourner les rigueurs imposées, en termes de délais de réclamation, par l’article 13.44 du CCAG Travaux de 1976. Or, le décompte général ne lui avait pas été notifié par la bonne personne puisque, contrairement à ce qu’impose les stipulations des articles 13.32 et 13.42 du CCAG Travaux, c’était la commune, maître d’ouvrage, et non le maître d’œuvre qui lui avait notifié ce document. Pareille irrégularité devait ainsi priver ce décompte de son caractère définitif, et donc non contestable devant le juge administratif. C’est du moins à travers cette brèche procédurale que la société Tenesol comptait s’assurer de la recevabilité de sa requête.

Si le raisonnement ne parvint pas à convaincre le juge administratif de première instance, la cour administrative d’appel de Lyon, dans un premier temps, fit droit à la requête de la société Tenesol. Cette solution ayant été toutefois censurée par le Conseil d’État, cette dernière fut bien obligée de revenir sur sa position en estimant que le décompte général, bien que notifié par le maître d’ouvrage et non par le maître d’œuvre comme l’impose le CCAG Travaux de 1976, avait bien acquis un caractère définitif puisque la société Tenesol n’avait pas porté ses réclamations dans le délai de recours contentieux.

Cette solution est ainsi l’opportunité, pour le juge administratif, de dépasser la lettre du CCAG Travaux de 1976. En effet, l’article 13.42 dudit CCAG Travaux stipule bien que le décompte général doit être notifié à l’entrepreneur par un ordre de service signé par le maître d’œuvre. Le caractère impératif de cette modalité cède donc face au constat que le décompte général avait bien été notifié à l’entrepreneur, quel que soit l’auteur de cette notification.

C’est donc bien l’esprit du texte qui doit primer sur sa lettre !

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