Contentieux des contrats

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Le contentieux des contrats n’a pas fait l’objet d’une actualité débordante lors du dernier semestre. Deux cas particuliers ont retenu notre attention, l’un concernant les modalités alternatives de résolution des litiges, l’autre le contentieux extracontractuel des actes détachables.

Au cours du mois d’avril 2013, le Conseil d’État a eu à connaître de l’effet d’une clause compromissoire incluse dans un marché public de services. Un syndicat mixte avait passé un contrat avec une société de transport aérien de droit irlandais et une de ses filiales. Les sociétés ont résilié unilatéralement le contrat, ce qui fut contesté par la personne publique devant le tribunal arbitral compétent selon les stipulations ainsi que devant le juge administratif, compétent puisque les contrats publics relèvent de sa juridiction. L’arbitre, défini par convention comme étant la cour internationale d’arbitrage de Londres, se déclare compétent et tranche le litige, le tribunal administratif n’ayant d’ailleurs pas eu le temps de se prononcer sur sa propre compétence. Le pourvoi du syndicat devant le Conseil d’État demandait l’annulation de la sentence et l’indemnisation du préjudice subi.

Le Conseil d’État a pu, pour résoudre la difficile équation de la conciliation entre stipulation contractuelle proche du droit international privé et protection de la compétence de la juridiction administrative, s’appuyer sur une décision du Tribunal des conflits du 17 mai 2010 (TC, Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), n° C3754). La juridiction a délimité un cadre très net : la contestation d’une sentence arbitrale rendue en matière de contrat, même administratif, entre une personne publique et une personne privée exécuté sur le territoire français relève de la compétence du juge judiciaire aux termes de l'article 1505 du Code de procédure civile. Par contre, si la contestation « implique le contrôle de la conformité de la sentence aux règles impératives du droit public français relatives à l'occupation du domaine public ou à celles qui régissent la commande publique et applicables aux marchés publics, aux contrats de partenariat et aux contrats de délégation de service public », alors elle relève de la compétence du juge administratif, car appartenant à un régime administratif d'ordre public.

Le Conseil d’État précise cette jurisprudence en posant une légère limite : la compétence du juge administratif fondée sur le régime administratif d’ordre public des contrats ne joue que si le tribunal arbitral est français ! Si la sentence est rendue à l’étranger, le juge administratif doit décliner sa compétence. Par contre, le tribunal administratif reste compétent pour prononcer l’exequatur et assurer l’exécution de la sentence (en application de l'article L. 311-1 du Code de justice administrative).

Dans une autre espèce, à propos de laquelle il a rendu un arrêt en janvier dernier, le Conseil d’État a eu l’occasion de confirmer ses précisions sur le rôle du juge des actes détachables. Les faits qui lui étaient soumis étaient intéressants quant aux éléments qu’il apportait sur le fond (les membres d’une assemblée délibérante ont des pouvoirs réduits en ce qui concerne la passation de marchés publics lors de la période transitoire entre l’élection et l’installation des nouveaux conseillers) mais aussi en cela qu’ils ont permis au juge de l’exécution de se prononcer en utilisant la palette de pouvoirs découverte depuis les arrêts Commune de Béziers de 2009 et de 2011.

Le Conseil d’État débute son raisonnement en réaffirmant très clairement que « l'annulation d'un acte détachable d'un contrat n'implique pas nécessairement la nullité dudit contrat », comme il avait pu le faire la première fois dans sa décision Institut de recherche pour le développement (CE, 10 décembre 2003, n° 248950). Puis, il accorde au juge, comme il avait pu le faire dès 2011 dans sa décision Ophrys, trois possibilités : le pouvoir de faire perdurer le contrat, le cas échéant avec des mesures de régularisation, la faculté d’en prononcer la résiliation, y compris en différant ses effets, ou bien, uniquement dans le cas où l’illégalité qui atteint le contrat est d’une particulière gravité, en prononcer l’annulation.

Cette décision ne brille pas par son originalité, mais elle permet de rappeler d’une part que l’objectif de stabilité contractuelle traverse l’ensemble du contentieux des contrats, depuis le contentieux extracontractuel jusqu’au contentieux de l’exécution, et d’autre part que cet objectif est mis en œuvre, si ce n’est par les parties, par le juge du contrat.

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