Compétence pour acheter et pour souscrire le marché : le juge du fond fait preuve de souplesse !

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Par un arrêt rendu le 23 juin 2016, la cour administrative d’appel de Bordeaux a interprété dans un sens très favorable aux acheteurs publics le principe de spécialité des établissements publics d’une part et les règles de délégation d’attribution par une assemblée délibérante à l’exécutif local d’autre part.

Le principe de spécialité des établissements publics limite leur champ de compétences à celles seules qui sont reconnues par la loi ou inscrites dans leurs statuts (CE, 19 nov. 1975, Commune de Thaon-les-Vosges, no 94791). Le cas d’espèce tranché dans cet arrêt du 23 juin 2016 explore les frontières de ce principe : un centre de gestion a conclu une convention de mise à disposition d’un logiciel pour proposer à ses collectivités membres de l’utiliser par la suite. Un des candidats évincés a contesté l’attribution du contrat en avançant que le centre de gestion n’était pas compétent pour acheter cette prestation. À la lecture tant de la loi du 26 janvier 1984 que de ses statuts, un centre de gestion (établissement public territorial) n’a que des missions qui « présentent un lien avec l’emploi public territorial ». Matériellement, le lien entre ces compétences et un logiciel permettant la transmission des actes au contrôle de légalité par voie électronique est effectivement ténu. Reste que le juge écarte ce moyen, en considérant que « la seule acquisition d’un service de télétransmission des actes soumis au contrôle de légalité ne saurait par elle-même excéder les compétences dévolues au centre de gestion, lequel pourrait régulièrement en faire usage pour les décisions relatives à l’emploi public soumises au contrôle de légalité. » En d’autres termes, s’il est compétent pour l’acheter car cela lui est nécessaire dans l’exercice de ses missions, un établissement public peut en faire profiter ses membres ! Dans un contexte où les critères de la coopération entre entités publiques permettant d’échapper aux règles de la commande publique interrogent (ord. no 2015-899, art. 18), cette souplesse du principe de spécialité ne manquera pas d’être remarquée : bien des établissements publics pourraient mutualiser avec d’autres collectivités des prestations qu’elles ont achetées, sans être directement compétentes en la matière et sans passer par la phase de publicité et de mise en concurrence.

Cet arrêt témoigne du caractère grandissant des relations « commerciales » entre personnes publiques : en l’espèce, les trois parties au contentieux sont des personnes publiques. La recherche d’économies face aux baisses de dotations conduit sans doute à des relations contractuelles nouvelles entre collectivités.

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