1 lot ça va, 3 lots : bonjour les dégâts ?

Par Stéphane Rabillard

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Combien d’acheteurs ont déjà été tentés de ne pas allotir une procédure ou de répartir les lots selon des choix pas toujours très objectifs ? Dans un arrêt intéressant, rendu le 25 mai 2018, le Conseil d’Etat rappelle la portée et les limites de l’allotissement.

L'office public de l'habitat du département des Hauts-de-Seine (« Hauts-de-Seine Habitat ») a lancé un appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché public, divisé en neuf lots, portant sur l'entretien courant « tous corps d'état » et la remise en état des logements de son patrimoine.

Suite à un recours pré-contractuel déposé par un candidat évincé, la procédure de passation a été annulée. 

Hauts-de-Seine Habitat s'est alors pourvu en cassation devant le Conseil d'État, qui, pour juger l'affaire, s'est basé sur l'article 32 de l'ordonnance marchés publics de juillet 2015.

Ce qu'il faut en retenir : 

Les marchés sont passés en lots séparés, sauf :

  • si leur objet ne permet pas l'identification de prestations distinctes ;
  • s'il s'agit de marchés publics de défense/sécurité/globaux ;
  • si l'acheteur n'est pas en mesure d'assurer les missions d'organisation, de pilotage et de coordination ;
  • si la dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l'exécution des prestations.

Sous réserves de ces points, les acheteurs sont ainsi libres de déterminer le nombre, la taille et l'objet des lots, mais peuvent en limiter l'accès (nombre de lots pour lesquels un opérateur économique peut présenter une offre ou nombre de lots qui peuvent être attribués à un même opérateur économique).

Les sages du Palais Royal rappellent que le juge du référé pré-contractuel doit déterminer si les éléments d'analyse et de justifications sont conformes à ces exceptions. 

Le Conseil d'État précise ainsi que « le juge ne peut relever un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence du fait de la définition du nombre et de la consistance des lots que si celle-ci est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de la liberté de choix dont le pouvoir adjudicateur dispose en ce domaine ».

Dans ce cas d’espèce, le juge du référé s'était basé sur « l'absence de motifs techniques ou économiques de nature à justifier l'absence d'allotissement par corps d'état ».

Or, comme indiqué ci-dessus, il aurait simplement dû « contrôler si la définition du nombre et de la consistance des lots était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ». Il a donc commis une erreur de droit.

Le Conseil d'État valide ainsi la décision de Hauts-de-Seine Habitat « de se borner à une division du marché d'entretien courant et de remise en état des logements de son patrimoine en neufs lots correspondant aux différents lieux d'exécution des travaux » qui « répond au souci de réduire les délais d'exécution, de permettre une meilleure coordination des intervenants et d'éviter la reproduction des difficultés auxquelles il avait été confronté lors de l'exécution d'un précédent marché ayant le même objet, qui avait été divisé, dans le cadre d'un allotissement à la fois géographique et fonctionnel, en quatre-vingt-dix-sept lots ».

C'est l'occasion de rappeler que l'article 12 alinéa 1 du décret marchés publics fait désormais obligation à l'acheteur de mentionner des justifications qui ont conduit au choix d'allotir ou non la procédure dans les documents de la consultation comme le rapport de présentation.

Sources :