Locavert, nouvelle étape dans la démarche de responsabilité sociétale de l’administration

Par Laure Catel

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Les marchés publics constituent des instruments de politique publique qui doivent permettre de « parvenir à une croissance intelligente, durable et inclusive, tout en garantissant l’utilisation optimale des fonds publics » (considérant 4 de la Directive 2014/24/CE).  Levier économique d’un territoire, les achats publics peuvent ainsi favoriser l’achat local sans pour autant rentrer dans l’illégalité afin de respecter la libre circulation et les règles du marché commun. La restauration collective est largement concernée par cette problématique d'achat de proximité. Les consommateurs sont en effet de plus en plus exigeants concernant la traçabilité des produits et leur qualité tant nutritionnelle que gustative et souhaitent bien souvent favoriser les producteurs locaux.

C’est pourquoi, en 2016, un outil intitulé Localim a vu le jour. Boîte à outils en matière de restauration collective, elle permet d’accompagner les acheteurs publics afin d’encourager l’approvisionnement local et de qualité. La restauration collective (restaurants administratifs, crèches, écoles primaires) représente en effet une vraie opportunité en matière de développement durable et de consommation raisonnée. Réalisée de concert par le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation et la direction des achats de l’État, cette boîte à outils regroupe des fiches méthodologiques accompagnant l'acheteur à chaque étape de son projet d'achat ainsi que des fiches filières permettant à ce dernier de comprendre les spécificités de celles-ci. Dans la continuité de cette démarche, l’État vient de renouveler l’expérience avec la création de Locavert, une boîte à outils à destination des acheteurs publics dans le domaine des espaces verts. La démarche est toujours la même, faire de l’acte d’achat un levier de responsabilité sociétale. Ainsi les acheteurs publics, pour leurs achats dans le domaine des espaces verts, vont pouvoir bénéficier d’un accompagnement afin d’acheter plus local et de meilleure qualité. Calqué sur ce qui a été fait pour la restauration collective, Locavert va ainsi apporter des éclaircissements sur la règlementation en matière de marchés publics et des recommandations pratiques et juridiques pour mettre en œuvre des marchés d’espaces verts qui soient respectueux et vertueux. Tant les acheteurs que les fournisseurs peuvent s’appuyer sur ces fiches pour mieux comprendre les attentes et enjeux de chacun.

En pratique, la démarche de s’approvisionner localement et de manière plus qualitative suppose une démarche proactive avant tout acte d’achat et la rédaction du cahier des charges. Cette démarche s’inscrit dans les prescriptions de l’article 30 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qui stipule clairement que la définition des besoins doit prendre en compte des objectifs de développement durable dans leur dimension économique, sociale et environnementale.

Le guide encourage ainsi à avoir une vision globale du projet et de ses impacts, notamment environnementaux : assurer la biodiversité, contribuer au bien-être des habitants et à l’attractivité du territoire, avoir une idée précise des contraintes liées à l’entretien et prendre en compte la disponibilité physique et saisonnière de manière à réduire notamment l’empreinte carbone. Si, pour les marchés de restauration collective, il faut que l’acheteur accepte de modifier ses habitudes de consommation et ne plus manger, par exemple, de tomates en hiver, en matière d’espaces verts, il faut plutôt repenser les espaces de vie collectifs afin de mettre en corrélation bien-être des usagers et contraintes des variétés et des sols. Ce guide reprend les prescriptions déjà édictées dans le guide à destination de la restauration collective. L’idée générale est que le projet doit se construire pas à pas, en passant par des approvisionnements ponctuels à des achats locaux significatifs. Tous les acteurs doivent être sollicités afin d’avoir une vision globale du secteur, des dispositifs et exigences spécifiques imposés par la réglementation tant européenne que nationale et les marges de manœuvre en la matière, des certifications et labels, des démarches écoresponsables existantes et des alternatives qui ont fait leur preuve. Cette démarche d’achat doit refléter la volonté des acheteurs publics de faire de leurs achats un véritable levier tant économique (en consommant plus localement) que durable (en consommant plus respectueusement).

La ville de Rennes, dans un article de la revue Décision-Achats, donne une illustration de ce qui peut être fait en matière de « préférence régionale ». L’idée sous-tendue a été de faire de l’achat direct auprès de producteurs locaux sans pour autant en faire la finalité du marché et ce, afin de respecter la réglementation. Interrogé, Wilfrid Clément, chef du service mutualisé de la commande publique de la ville de Rennes et de Rennes métropole explique qu’il a été imaginé de faire de l’approvisionnement local une condition intrinsèque de l’objet du marché. A ainsi été lancée une consultation relative à la production de denrées alimentaires destinées aux cantines de la ville de Rennes mais qui participe à la protection de la ressource en eau du bassin rennais. Le fil rouge de ce marché a été de savoir comment garantir aux producteurs locaux un débouché à leurs productions en échange de pratiques écologiquement vertueuses qui protègent la ressource en eau. Le contexte breton a permis la concrétisation de ce marché dans la mesure où ce dernier correspond à un réel besoin local, la qualité de l’eau étant un sujet majeur en Bretagne en raison des nitrates issus de l’agriculture. L’originalité de ce marché réside dans le fait que, si d'un point de vue juridique tous les producteurs pouvaient répondre à l'appel d'offres, les denrées devaient impérativement être produites sur le territoire des zones de captage qui sont éminemment locales. Et donc seuls les producteurs locaux étaient véritablement en capacité de répondre.

Si l’approvisionnement local ne peut pas être érigé en critère de sélection des offres car cela serait contraire à la réglementation en matière de commande publique, comme le rappelle cet exemple de la ville de Rennes. Pour autant, grâce à ce nouveau « guide vert », les acheteurs publics vont pouvoir associer l’ensemble des acteurs du domaine dans une véritable démarche d’excellence végétale. En jouant sur les modes de production, les modalités d’approvisionnement, la saisonnalité ou la fraîcheur, l’acheteur public pourra ainsi valoriser les circuits courts et a fortiori l’approvisionnement local.

Et parce « toute idée nouvelle a besoin, comme une plante, d’enfoncer ses racines », Locavert est cette nouvelle racine permettant à l’achat public de s’ancrer un peu plus dans une approche de croissance intelligente, durable et inclusive.

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