Le contenu du projet de loi « Sapin 2 » définitivement adopté par l'Assemblée nationale

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Réunie le 14 septembre 2016, la commission mixte paritaire avouait son échec à élaborer un texte commun sur les dispositions faisant l’objet de débats tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat au sujet du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ou loi « Sapin 2 ». Une nouvelle lecture du projet par les deux chambres du Parlement devait donc s’ensuivre, pour notamment clarifier leur position sur l’idée controversée de constituer un registre des représentants d’intérêts commun aux pouvoirs publics, mais également sur de nombreux points concernant les marchés publics ; la lecture définitive de l’Assemblée nationale a eu lieu mardi dernier. Petite revue des modifications apportées par les parlementaires sur ce sujet précis les 29 septembre, 3 et 8 novembre derniers.

La réforme du délit de favoritisme partiellement maintenue par le Sénat

Début 2016, avant le dépôt du projet de loi « Sapin 2 », le sénateur Philippe Bonnecarrère annonçait que le délit de favoritisme serait un sujet lors de l’examen du projet de loi de ratification de l’ordonnance « marchés publics ». Son idée ? Reprendre la suggestion du rapport « Nadal », du nom du président de la HATVP, de ne plus sanctionner que le délit de favoritisme intentionnel.

Son vœu a été exaucé puisque la commission des lois adoptait en juin dernier un amendement visant à « recentrer le délit de favoritisme sur son véritable objectif : punir les acheteurs favorisant délibérément une entreprise et non ceux commettant une erreur matérielle dans l’application du droit de la commande publique ». Le Sénat l’a maintenu, ajoutant à la faveur d’un autre amendement soutenu par M. Bourquin une extension du délit de favoritisme au non-rejet des offres anormalement basses.

Ces deux dispositions ont été supprimées par l’Assemblée nationale, suivie par le Sénat sur la question des offres anormalement basses mais non sur l’intentionnalité du délit de favoritisme qu’il a préféré réintroduire. Selon les sénateurs, la pratique du sourçage nouvellement prévue par le décret « marchés publics » et permettant aux acheteurs publics de réaliser échanges et études préalables justifie pleinement la nouvelle rédaction. Les députés ont supprimé ces dispositions en lecture définitive.

La spécificité des OPH et SEM de construction et de gestion de logements sociaux dans le cadre des marchés publics de conception-réalisation en sursis

Au titre du second alinéa de l’article 33 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, certains organismes d’HLM, dont font partie les OPH, et les SEM de construction et de gestion de logements sociaux soumis à la loi MOP, n’ont pas à justifier du recours à un marché public de conception-réalisation relatif à la réalisation de logements locatifs aidés par l’État financés avec le concours des aides publiques, et ce jusqu’au 31 décembre 2018.

L’Assemblée nationale a initialement souhaité supprimer cette spécificité possiblement préjudiciable aux TPE du bâtiment ne pouvant fournir une offre globale en raison de leur capacité et logistique restreintes, mais le Sénat l’a maintenue. Sa suppression serait, selon le rapporteur François Pillet, « dangereuse », « surtout dans un contexte où nous devons construire de plus en plus de logements sociaux ». Elle est finalement revenue en lecture définitive sur cette suppression, laissant l’article 33 intouché.

Interdictions de soumissionner : la déclaration sur l’honneur comme preuve suffisante et statu quo pour la situation de conflit d’intérêt

Nombreux étaient les acheteurs perplexes quant à la mise en œuvre de la vérification de l’absence d’interdiction de soumissionner. À la lecture des articles 45 de l’ordonnance et 51 du décret « marchés publics », il convient actuellement pour chaque « personne physique qui détient un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle d’une personne morale » de fournir un extrait du casier judiciaire, ou document équivalent, afin de prouver qu’elle ne se trouve pas dans un cas d’interdiction de soumissionner obligatoire et générale.

Cette complexité introduite par les nouveaux textes obligeant les acheteurs à vérifier parfois plus d’une centaine d’extraits de casiers judiciaires d’un seul opérateur économique, un amendement a été déposé par le député et rapporteur Sébastien Denaja pour exiger de l’acheteur qu’il accepte « comme preuve suffisante attestant que le candidat ne se trouve pas dans un cas d’interdiction de soumissionner mentionné aux 1° et aux a et c du 4° [de l’article 45], une déclaration sur l’honneur. » L’Assemblée nationale et le Sénat l’ont maintenu.

Parallèlement, alors que le Sénat avait adopté en première lecture la proposition de la commission des lois de modifier à l’article 48 de l’ordonnance la définition d’une situation de conflit d’intérêt au profit de celle prévue à l’article 2 de la loi no 2013-907 du 11 oct. 2013 relative à la transparence de la vie publique, les députés et sénateurs en nouvelles lectures ont préféré conserver le texte actuel de l’ordonnance et sa définition inspirée des directives européennes.

Pas de définition de l’offre anormalement basse ni de méthode de détection

Plusieurs amendements ont été introduits en juillet par des sénateurs afin de compléter par deux alinéas l’article 53 de l’ordonnance sur les offres anormalement basses (OAB) : le premier requiert de l’acheteur qu’il mette en œuvre « tous moyens pour détecter les offres anormalement basses lui permettant d’écarter ces offres » ; le second d’un décret en Conseil d’État qu’il définisse non seulement l’OAB mais également une « une méthode de détection à destination des maîtres d’ouvrage publics. » Si l’Assemblée nationale et le Sénat ont gardé le premier alinéa dans leurs nouvelles versions, tel n’est pas le cas du second.

Pas de cautionnement obligatoire dans le cadre d’un marché de partenariat

La crainte des « sous-traitants » de demander au titulaire d’un marché de partenariat la constitution d’un cautionnement bancaire afin de prévenir le non-paiement de sommes dues était soulignée par MM. Sueur et Portelli dans leur rapport de 2014 sur les contrats de partenariat. C’est en ce sens que les sénateurs ont jugé opportun de rendre ce cautionnement obligatoire en première lecture du projet de loi, afin d’atténuer la peur de ces « sous-traitants » d’être évincés d’un tel marché.

Ils n’ont pas été confirmés par l’Assemblée nationale le 29 septembre dernier, mais ont persisté en présentant un amendement à nouveau adopté le 3 novembre. Cela n’aura néanmoins pas suffi à faire changer d’avis les députés qui, en lecture définitive, ont préféré s’en tenir à la rédaction actuelle de l’article 87 de l’ordonnance « marchés publics ».

Confirmation de certains principes : allotissement, évaluation préalable du mode de réalisation du projet, etc.

Enfin et pour rappel, certains principes ont moins fait l’objet de débats depuis leur introduction en commission des lois du Sénat en juin dernier et sont aujourd’hui acquis :

  • l’impossibilité pour les candidats de présenter des offres variables ;
  • la nécessité d’énoncer les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de non allotir ;
  • la suppression de l’évaluation préalable du mode de réalisation du projet pour les marchés publics autres que les marchés de partenariat ;
  • dans le cadre des marchés de partenariat, l’obligation d’identifier une équipe de maîtrise d’œuvre lorsque l’acheteur confie tout ou partie de la conception des ouvrages au titulaire d’une part, la précision du régime d’indemnisation du titulaire du marché de partenariat en cas d’annulation, de résolution ou de résiliation du contrat par le juge d’autre part ;

le rappel dans le CGCT de la spécificité des OPH avec la fixation par décret en Conseil d’État de la composition, des modalités de fonctionnement et des pouvoirs de la CAO.

Le texte du projet de loi « Sapin 2 », transmis à l’Assemblée nationale le 4 novembre et adopté le 8, n’attend plus que d’être promulgué. Et une consultation sur un projet de décret portant diverses dispositions en matière de commande publique vient d’être lancée par la DAJ de Bercy, ouverte jusqu’au 24 novembre inclus.

Sources :

Lire également sur Légibase Marchés publics :

  • « Loi "Sapin 2" : les évolutions du texte au Sénat survivront-elles à l’échec en CMP ? » – La lettre Légibase Marchés publics, no 162