La Cour des comptes au chevet des établissements publics de santé

Par Stéphane Rabillard

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La performance et le pilotage des achats tendent à se renforcer ces dernières années. Il en découle un « devoir d'effort » demandé aux acheteurs publics. Aussi, l'analyse du besoin, passage obligatoire, devient encore plus indispensable. L'innovation de l'acte d'achat et le recours aux groupements également. A ce titre, pour analyser de plus près les pratiques du secteur hospitalier, une formation inter-juridictions commune à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes (CRC) a été instituée par arrêté du Premier président, en application de l’article L. 111-9-1 du Code des juridictions financières. Le rapport, de 127 pages, comme à son habitude, dresse un constat amer de la gestion des achats effectués par les établissements publics de santé.

Selon ce rapport, les achats des établissements publics de santé représentent 25 Md€ de dépenses (à titre comparatif les achats courants des collectivités territoriales représentent 45 Md€). Ces achats sont effectués par 878 établissements – environ 5 000 agents interviennent dans la chaîne de l'achat – ce qui rend la mise en place d'une politique achat véritablement complexe.

La Cour des Comptes rend ainsi un avis critique sur les compétences hétérogènes des différents acteurs et sur la diffusion de l'information (procédure d'achat). 

Il est toutefois soulevé un effort accru porté sur les groupements, qui représentent 22 % des achats. À ce titre, le programme PHARE (performance hospitalière pour des achats responsables) a engagé une démarche positive en « cherchant à inciter à une rationalisation et à une professionnalisation des achats hospitaliers ».

Sur l’aspect purement juridique, la Cour des comptes a relevé un certain nombre d’achats qui ont donné lieu à transmissions à l’autorité judiciaire ou à des déférés à la Cour de discipline budgétaire et financière, mais à aucun cas de corruption. Ce qui semble démontrer une approche honnête mais mal maîtrisée de l’acte d’achat.

Ainsi, les gains d’achats sont passés de 72 M€ en 2012 à 423 M€ en 2015, mais c’est l’arbre qui semble cacher la forêt car la Cour des comptes note « des conditions méthodologiquement très peu rigoureuses […] et des économies effectives, sans que celles-ci soient au demeurant précisément mesurées ».

La loi de modernisation du 26 janvier 2016 transfèrera au 1er janvier 2018 la fonction achat des établissements membres à l’établissement support du groupement dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Seront ainsi créés 135 GHT.

Pour autant, l’exécution restera de la compétence de chaque membre, ce qui laisse planer le doute d’une complexité juridique et technique.

Afin de tendre vers un acte d’achat parfait, dans son rapport, la Cour des comptes fait 12 recommandations, qui, si elles concernent les établissements de santé, peuvent aussi être transposées aux autres acteurs de l’achat public (État, collectivités).

Il est recommandé d’aller lire ce rapport, riche d’enseignements, pour se faire une idée plus précise, mais les points suivants peuvent déjà être appliqués par tous. Les exemples ne sont pas dans le rapport, mais permettent d’éclairer sur l’intérêt des mesures.

Les acheteurs, peu importe le secteur, peuvent ainsi mettre en place des objectifs de performance, qui seront mesurées par des indicateurs (par exemple « montant achats aux PME / Montant total achats », pour mesurer une politique d’accès des marchés aux petites et moyennes entreprises).

Au titre des mesures qui peuvent être adaptées à tous, peut également être cités le benchmarking (ou parangonnage). Il s’agit là, de comparer, à segment égal les prix et produits obtenus par un acheteur de taille similaire. Par exemple, si la mairie X, sur un même secteur géographique obtient un tarif 50 % moins cher que la commune Y pour l’achat de fourniture de bureau, les acheteurs peuvent analyser ce qui rend les conditions économiques favorables à l’un plutôt qu’à l’autre. La mise en place d’un simple tableur partagé peut s’avérer être un outil efficace.

Le couplage de la fonction achat avec la fonction logistique est un axe à ne pas négliger. En effet, l’achat entraîne un certain nombre de frais cachés (TCO – Total cost of ownership), dont par exemple des frais de stockage et de diffusion. Si d’un côté l’acheteur commande 10 000 bidons de javel, alors que le service logistique ne dispose que d’un rayonnage pour 1 000, ou n’en distribue que la moitié par an, l’acte d’achat n’est pas efficient.

Sources :