Exemption des procédures de marchés publics pour les communes de moins de 100 habitants ?

Par Nicolas Quénard

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Alors que le Code de la commande publique s’apprête à éclore, plusieurs députés ont proposé de dispenser les communes de moins de 100 habitants des procédures de passation des contrats de la commande publique. Cette modification procèderait de la modification de la section 3 intitulée « définition des acheteurs soumis à l’ordonnance » de l’ordonnance no 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

(Proposition de loi no 1316 du 17 octobre 2018 visant à exempter les communes de moins de 100 habitants des procédures de passation des marchés publics)

Les députés auteurs de cette proposition souhaitent en effet modifier l’article 10 de l’ordonnance no2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics que :

         « Les pouvoirs adjudicateurs sont :

         1° Les personnes morales de droit public ;

         2° Les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial (…)

         3° Les organismes de droit privé dotés de la personnalité juridique constitués par des pouvoirs adjudicateurs en vue de réaliser certaines activités en commun ».

Il s’agirait de compléter le 1° relatif aux personnes morales de droit public par : « à l’exception des communes de moins de 100 habitants ».

Un objectif de facilitation du quotidien des élus

Arguant du déficit criant de vocation, laissant parfois certaines communes sans candidat déclaré à la mairie, les auteurs de cette proposition soulignent que cette proposition permettrait de faciliter grandement le quotidien des 3 485 maires de communes de moins de 100 habitants en leur évitant des procédures jugées très contraignantes.

Par ailleurs, les auteurs de cette proposition rappellent que ces contraintes ont des conséquences néfastes pour ces petites communes, d’une part, en dissuadant les maires d’engager certains travaux et, d’autre part, en dissuadant les entreprises de répondre au vu des formalités administratives conséquentes en comparaison du faible gain espéré. Les députés notent ainsi que de nombreux lots ne sont pas attribués par les communes de moins de 100 habitants à défaut de trouver un prestataire.

Un argumentaire peu convaincant, voire contradictoire

L’argumentaire qui pourrait leur être opposé par d’autres députés, le gouvernement ou encore l’Union européenne semble déjà pointer le bout de son nez.

Tout d’abord, il doit évidemment être rappelé que ces communes, comme tout pouvoir adjudicateur, bénéficient de procédures allégées en dessous, d’une part, de 25 000 euros et, d’autre part, des seuils de procédure formalisées. Au vu de la taille de ces communes, il ne semble pas déraisonnable de penser que la très grande majorité de leurs marchés sont passés sous ces seuils, rendant la nécessité d’une telle exception pour le moins douteuse… D’autant que les députés relèvent eux-mêmes dans cette proposition que c’est à cause des petits montants des marchés passés par ces communes que les entreprises ne sont pas intéressées pour y répondre.

Ensuite, il peut être souligné que ces communes peuvent bénéficier de mécanismes de mutualisation et faire appel à des groupements de commande ou à des centrales d’achats telle que l’UGAP, leur permettant ainsi de se décharger des nombreuses formalités administratives liées aux procédures de passation des marchés publics.

Enfin, l’argument selon lequel « ces communes sont trop petites pour que les fonds engagés dans d’éventuels marchés publics puissent prêter à suspicion » semble pour le moins spécieux.

Car en effet, aussi petite soit la somme, ainsi que Sophocle le fait dire à Antigone, « L’argent, ah ! Maudite engeance, fléau des humains ! Il ruine les cités ».