Accords de libre-échange : CETA adopté au Parlement européen

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Le Parlement européen a ratifié le 15 février l’accord de libre-échange avec le Canada (Comprehensive Economic and Trade Agreement – CETA – ou Accord Economique et Commercial Global – AECG). Au-delà des nombreux commentaires qu’il suscite sur bien des sujets, cet accord aura en tout état de cause un impact majeur sur les marchés publics, puisque son chapitre 19 leur est entièrement consacré. Tour d’horizons des principaux effets – positifs ou négatifs – de ce traité, qui peuvent être avancés en matière de commande publique.

La principale conséquence de l’accord réside dans l’ouverture d’une part importante des marchés publics canadiens aux entreprises de l’Union européenne, qui pourront désormais y soumissionner. Ces marchés concernent ceux conclus tant par l’État (gouvernement fédéral) que – et c’est une première – par les autorités provinciales ; et ce dans des secteurs d’activité qui, jusqu’à présent, bénéficiaient d’une protection par des clauses dites de « contenu local » (en d’autres termes, de préférence géographique), similaires à celles que l’on peut rencontrer aux États-Unis. Sont notamment concernés des services de construction ou encore des marchés de fourniture d’établissements hospitaliers. Les prestations couvertes par l’accord sont précisées aux annexes 19-1 à 6, et dépendent de seuils planchers (en valeur monétaire) variables selon l’objet du contrat et la nature des entités contractantes.

Au total, l’on estime à désormais 30 % la part de la commande publique canadienne qui serait ouverte aux entreprises européennes (contre 10 % auparavant). Un important potentiel de débouchés à explorer pour ces dernières, notamment pour les PME, qui pourraient se montrer particulièrement compétitives dans certains domaines. Concrètement, tous les avis de marché seront directement et gratuitement accessibles par voie électronique, via un point d'accès unique mis en place au Canada.

À l’inverse, il convient de noter que l’ouverture réciproque des deux marchés canadien et européen reste encore sensiblement asymétrique, puisqu’à ce jour, ce sont environ 90 % des marchés conclus par les États de l’Union européenne qui sont dans les faits ouverts sans préférence locale (et donc notamment à des opérateurs canadiens). L’accord ne fait donc que réduire un déséquilibre encore important. Par ailleurs, comme l’Union européenne n’avait du coup aucune contrepartie à offrir en termes d’ouverture de marché, certains font valoir que l’ouverture des marchés publics canadiens s’est faite aux prix d’autres concessions critiquables, mais qui nous font ici sortir du champ de la commande publique (quotas d’importation de viande bovine par exemple).

Sur un plan plus strictement juridique, l’on retrouve dans les termes de l’accord un certain nombre de notions similaires ou proches de celles rencontrées en droit européen des marchés publics, permettant de faciliter l’harmonisation et l’intégration des deux systèmes juridiques : sélection du prestataire ayant présenté la « soumission la plus avantageuse », vérification des soumissions « dont le prix est anormalement inférieur aux prix des autres soumissions présentées » (art. 19.14), etc. Une attention particulière est par ailleurs portée sur le fait que les conditions de participation ou les spécifications techniques des marchés ne traduisent pas un effet potentiellement discriminatoire entre opérateurs européens et canadiens (art. 19.7).

En revanche, des conflits de normes pourraient voir le jour, notamment en matière d’exigences sociales et environnementales. Si ces préoccupations ont été renforcées par les nouvelles directives « Marchés publics », elles paraissent moins prégnantes dans l’AECG. Ce dernier ne fait ainsi pas référence aux exigences environnementales au stade de l’exécution du marché (contrairement à l’article 38 de l’ordonnance no 2015-899 du 23 juillet 2015). De même, si l’article 19.9.6 de l’accord stipule qu’il est possible d’« établir, adopter ou appliquer des spécifications techniques pour encourager la préservation des ressources naturelles ou protéger l'environnement », c’est « à condition de le faire d'une manière conforme au présent article », c’est-à-dire à la condition que la spécification n’ait pas pour effet de créer des obstacles non nécessaires au commerce international : une articulation qui sera difficile à opérer, surtout lorsque l’on connaît l’impact environnemental des moyens de transports transatlantiques.

Il s’agira là sans doute du genre de problématiques dont pourrait être saisi le Comité des marchés publics institué pour, entre autres, « examiner les questions concernant les marchés publics qui lui sont soumises par une Partie » (art. 19.9).

Si l’accord doit désormais être ratifié par l’ensemble des parlements nationaux pour entrer pleinement en vigueur, il fera néanmoins sans attendre l’objet d’une application provisoire dans sa quasi-intégralité. Sont notamment concernées ses dispositions relatives aux marchés publics, qui n’ont pas été exclues de l’application provisoire par le Conseil de l’Union européenne.

Sources :

À lire également sur Légibase Marchés publics :

  • « Les enjeux du CETA face aux marchés publics » – La Lettre Légibase Marchés publics, no 162