Une nouvelle mesure pour « lever les derniers freins à la mutualisation des achats »

Depuis le 28 décembre dernier, il est possible pour un EPCI de passer un marché public pour le compte de ses communes membres sans acheter pour lui-même. Une mesure issue de la loi no 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite « loi proximité et engagement », destinée à encourager les pratiques de mutualisation des achats. Quel est l’intérêt de cette nouvelle opportunité ? Reste-t-il des freins à la mutualisation des achats ? Nous avons interrogé Stéphane Rabillard, responsable du service commande publique et assurances de la Communauté Lesneven Côte des légendes.

Propos recueillis par Agnès Raynal

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Que pensez-vous de ce nouvel article L. 5211-4-4 du Code général des collectivités territoriales qui autorise un EPCI à passer des marchés publics pour le compte de ses seules communes membres ?

Ce principe est très intéressant, car il va probablement lever les derniers freins qui existaient côté communes pour s’engager dans un groupement d’achat. Il va permettre à l’EPCI de gérer une commande du début à la fin et d’accompagner les petites collectivités qui le souhaitent, sans qu’elles soient dépendantes de la politique d’achat de cet EPCI. Il faut cependant relativiser son impact, car les EPCI effectuent déjà beaucoup ce travail de soutien et d’accompagnement des achats de leurs communes membres via de l’assistance à maîtrise d’ouvrage, par exemple. De plus, certaines zones juridiques demeurent floues, notamment autour de la convention qui sera signée entre l’EPCI et les communes ainsi que sur la question de la responsabilité de l’EPCI. Malgré tout, je pense que je proposerai le recours à cette nouvelle mesure prochainement pour ma collectivité et les communes qui le souhaitent.

Comment les collectivités territoriales pratiquent-elles la mutualisation des achats aujourd’hui ?

Les pratiques de mutualisation des achats dépendent de plusieurs facteurs : taille de la collectivité, type d’achat, ressources humaines disponibles. Dans le secteur géographique de ma collectivité qui rassemble plutôt des communes de petite taille, nous avons recours aux groupements de commandes. Il peut s’agit de groupements entre communes, entre communes et EPCI, entre communes appartenant à des EPCI différents. Le recours à la centrale d’achat est moins courant. Nous avons mis en place au sein de l’EPCI un schéma de mutualisation des achats. Nous travaillons également à la mutualisation de nos pratiques. Par exemple, nous cherchons à harmoniser au maximum les pièces demandées aux candidats dans le cadre des consultations. L’idée étant que les entreprises retrouvent dans les DCE des marchés de différentes collectivités du Finistère des documents basés sur la même trame pour plus de simplicité. Les pratiques de mutualisation sont aussi le reflet des politiques menées par les élus. C’est ainsi que certains EPCI peuvent fusionner leur service marchés publics avec celui de la ville-centre, comme c’est le cas entre Brest Métropole et la Ville de Brest.

Quels sont les obstacles à la mutualisation des achats aujourd’hui ?

Plus le groupement de commandes est important, plus les montants sont élevés et plus les procédures liées aux seuils de la commande publique ont un impact sur le choix du prestataire retenu. Certaines collectivités craignent de perdre le contrôle sur leurs achats et peuvent donc être réticentes à mutualiser. Par ailleurs, plus il y a de personnes autour de la table intervenant sur la définition d’un besoin plus cela peut être compliqué. Il ne faut pas mutualiser à tout prix au risque de perdre de vue son besoin. Nous trouvons donc des solutions en dialoguant, en faisant des compromis, en mettant en place des options permettant au prestataire retenu de répondre de manière satisfaisante aux demandes de chacun. Car la mutualisation des achats peut permettre non seulement des gains financiers, mais aussi d’alléger les procédures pour les communes ou d’avoir accès à des solutions innovantes qui n’auraient pas toujours pu être mises en place pour des marchés de faibles montants.