Mon cocontractant peut-il librement vendre à un tiers le marché public qu’il a passé avec ma commune ?

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Oui, à condition d’avoir au préalable obtenu l’autorisation de la collectivité. Cependant, la jurisprudence récente de la Cour de justice des Communautés européennes tend à remettre en cause ce principe de liberté en exigeant une remise en concurrence quasiment systématique.

Le Conseil d’État a posé le cadre juridique de la cession des marchés publics dans un avis non contentieux en date du 8 juin 2000. Selon ce dernier, deux hypothèses doivent être distinguées, selon que la cession résulte d’une vente ou d’une transformation du titulaire du contrat en une nouvelle personne morale.

Cession résultant d’une vente du marché : celle-ci est toujours possible à condition d’une part, que le titulaire du contrat obtienne l’autorisation de la personne publique (sachant que son refus n’est légal que si le cessionnaire ne présente pas les garanties suffisantes pour la bonne exécution du contrat) et, d’autre part, que cette vente ne s’accompagne d’aucune autre modification du contrat.

Cession résultant d’une transformation juridique du titulaire initial du marché : selon le Conseil d’État, on ne peut parler de cession que si la transformation juridique du titulaire initial du marché aboutit à la naissance d’un « tiers » au contrat. N’est pas considéré comme donnant naissance à un « tiers » la transformation d’une société en une société d’une autre forme ou lorsqu’il est procédé à un changement de propriétaire des actions composant le capital social : ici, la question de la cession ne se pose donc pas. Sont en revanche des tiers au contrat initial les sociétés nouvelles créées à l’issue d’opérations de scission et de fusion ou d’autres formes de transmission de patrimoines ou de cession d’actifs. Dans ces hypothèses, comme dans le cas de la vente pure et simple, il suffit que le titulaire du contrat demande l’autorisation de la personne publique pour que la cession soit régulière.

En droit interne, la notion de cession est donc entendue de manière assez restrictive et, en tout état de cause, elle ne suppose jamais une remise en concurrence préalable.

Cependant, un arrêt récent de la Cour de justice des Communautés européennes va dans le sens d’un affermissement des conditions de légalité des opérations de cession des marchés publics. Prenant le contrepied du Conseil d’État, la Cour estime en effet que le pouvoir adjudicateur est tenu d’organiser une nouvelle mise en concurrence dès cession ou modification substantielle dans la personne du cocontractant initial au motif que cela emporte le changement d’un terme essentiel du marché (CJCE, 19 juin 2008, Pressetext Nachrichten Agentur, C-454/06). Avec cette jurisprudence, la seule autorisation de la personne publique ne suffirait plus. Reste à savoir si cette solution sera confirmée ou atténuée.

Sources :