L’évolution des périmètres intercommunaux : quelles conséquences pour l'achat public?

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L’évolution des périmètres intercommunaux est encore en préparation : les commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) ont jusqu’au 31 mars 2016 pour rendre leur avis sur les projets de schéma de coopération intercommunale proposés par les préfets. À compter du 1er avril, la phase de mise en œuvre des schémas sera lancée… à la même date que l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics !

La conjonction des éléments, coïncidence exceptionnelle, augure de changements importants en peu de temps. Un peu plus d’un mois avant la date fatidique, plusieurs éléments attirent l’attention. En raisonnant chronologiquement, l’on relève les problématiques classiques soulevées par les évolutions du périmètre des communautés et de la répartition des compétences sur les contrats en cours (I) mais un certain flou demeure sur les règles à appliquer aux futurs marchés (II).

I. L’évolution des périmètres et de la répartition des compétences : quelles conséquences sur les contrats en cours ?

Les contrats en cours lors de l’évolution intercommunale sont essentiellement soumis aux règles posées par le Code des marchés publics, toujours applicables aux marchés dont la passation a été lancée avant le 1er janvier 2016 et au Code général des collectivités territoriales. Le régime juridique applicable n’est pas bouleversé par les évènements à venir.La responsabilité du marché (définition du besoin, passation et exécution, dont la maîtrise d’ouvrage pour les marchés de travaux) appartient au pouvoir adjudicateur qui a la compétence de l’activité en question. Par exemple, sera compétente pour passer les marchés d’entretien de la voirie soit une commune, soit la communauté de communes dont les communes membres ont décidé de lui confier cette compétence optionnelle. Dans le cadre de l’évolution des périmètres et des compétences des communautés, la responsabilité d’un marché peut passer d’une personne morale à une autre sans que le contenu du contrat ne soit affecté. Comme en disposent, dans des termes égaux, les articles L. 5211-17 (applicable à l’évolution des compétences) et L. 5211-18 (applicable à l’évolution du périmètre) du Code général des collectivités territoriales, « les contrats sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu'à leur échéance, sauf accord contraire des parties. La substitution de personne morale aux contrats conclus par les communes n'entraîne aucun droit à résiliation ou à indemnisation pour le cocontractant. La commune qui transfère la compétence informe les cocontractants de cette substitution. » Ces dispositions sont complétées par les trois premiers alinéas de l'article L. 1321-1, les deux premiers alinéas de l'article L. 1321-2 et les articles L. 1321-3, L. 1321-4 et L. 1321-5 du même code.C’est sur le fondement de ces articles que le juge a précisé que « d'une part, […] le transfert de compétence emporte remise des biens affectés au service à la personne publique qui en est investie dès l'entrée en vigueur de la décision prononçant le transfert, sans égard à l'établissement du procès-verbal de remise qui n'a d'incidence que sur les relations entre collectivités ou établissements publics concernés par ce transfert, [et que d’autre part] la personne publique bénéficiaire de la remise d'un immeuble nécessaire à l'exercice de sa nouvelle compétence est investie de tous les droits, notamment de nature contractuelle, acquis par la collectivité à laquelle elle succède à l'occasion de l'aménagement de cet immeuble » (CAA, 5 janvier 2012, SARL Biotys Ingénierie, no 10LY00758). En l’espèce, ce considérant a permis le transfert des droits attachés à la garantie contractuelle de reprise des malfaçons réservées à la réception d’une commune vers une communauté de communes.Il existe pourtant des cas où la personne morale qui mène le processus d’achat n’est pas l’acquéreur final.Le groupement de commandes prévu à l’article 8 du Code des marchés publics peut par exemple être utilisé dans le cas où une compétence est morcelée, notamment dans les cas où l’intérêt communautaire ne recouvre pas l’ensemble d’une compétence optionnelle, pour unifier la politique d’achat à la condition de respecter certaines règles strictement.En premier lieu, la constitution d’un groupement fait toujours l’objet d’une convention constitutive écrite (CMP, art. 8). Elle permet de formaliser la nature des prestations à acheter, de désigner le membre coordinateur – qui est nécessairement pouvoir adjudicateur –, ses fonctions et les frais qu’il perçoit, les obligations des autres membres, la composition de la commission d’appel d’offres, sa durée de validité ou, parmi d'autres possibilités, ses conditions d’évolution. Lors d’un changement de compétence, la substitution des parties à ce contrat s’effectue dans les conditions de principe posées aux articles L. 5211-17 et L. 5211-18 du Code général des collectivités territoriales.Dans le cadre d’un marché de travaux passé par un groupement, le membre coordinateur n’est par ailleurs pas compétent pour assurer l’entière mission de la maîtrise d’ouvrage. Ce n’est qu’à titre de mandataire, et donc sur mandat du propriétaire de l’ouvrage, que le membre coordinateur peut assurer certaines des missions énumérées à l’article 3 de la loi sur la maîtrise d’ouvrage publique. La mutualisation par une convention de groupement montre ainsi ses limites : lors de l’évolution des périmètres et des compétences, il est nécessaire d’en tenir compte pour réviser la convention constitutive.Dans le cas où le groupement a recours à une procédure d’accord-cadre, les règles à respecter à cet égard peuvent poser des problèmes. En effet, le périmètre du groupement ne peut plus évoluer à compter du lancement de la procédure de passation de l’accord-cadre, pour toute sa durée de vie. Si cette règle ne fait pas obstacle au processus de substitution exposé ci-dessus, elle empêche en revanche des communes qui sont entrées dans une communauté du fait de l’extension de périmètre d’en profiter. La passation d’un nouvel accord-cadre s’imposera… mais selon les règles de l’ordonnance du 27 juillet 2015 relative aux marchés publics.

II.  Quelle organisation retenir pour les contrats futurs… et quelles règles appliquer ?

L’évolution des périmètres intercommunaux, qui entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2017, ne pourra sans doute pas faire l’économie de la conclusion de nouveaux marchés, pour prendre en compte l’accroissement des besoins du fait du changement d'échelle des communautés.Sans entrer dans la fiction juridique, dans la mesure où les mesures réglementaires d’application de l’ordonnance ne sont pas encore connues, un point en particulier attire notre attention.La géométrie variable de la nouvelle répartition des compétences entre communauté et communes membres devra en effet être prise en compte. Outre la définition de l’intérêt communautaire qui fait varier le périmètre de certains groupes de compétences, des règles transitoires s’appliquent pour les compétences optionnelles et complémentaires. Par exemple, l’article L. 5211-41-3 du Code général des collectivités territoriales prévoit que lors de la fusion de plusieurs communautés, la communauté qui en naît applique sur le périmètre des communautés fondatrices les compétences qu’elles exerçaient jusqu’à la fusion pendant une période transitoire. En d’autres termes, les nouvelles communautés n’exerceront pas forcément les mêmes compétences uniformément sur leur territoire… ce qui a un impact certain en matière de marchés.Pour tenter d’unifier les pratiques, malgré l’application différenciée pendant la période transitoire, les communautés et leurs communes membres pourront recourir à un groupement de commandes, tel qu’il est prévu à l’article 28 de l’ordonnance. Une certaine prudence est toutefois de mise tant le régime juridique du groupement évolue : outre qu’il laisse la possibilité de définir plusieurs membres coordonnateurs, c’est surtout le changement des règles de responsabilité qu’il faut retenir.L’article 28, III de l’ordonnance distingue en effet deux cas. Dans le premier, si la passation et l'exécution d'un marché public sont menées conjointement dans leur intégralité au nom et pour le compte de tous les acheteurs concernés, ils sont alors solidairement responsables de l'exécution des obligations qui leur incombent selon l’ordonnance. Dans le second, si la passation et l'exécution d'un marché public ne sont pas menées dans leur intégralité au nom et pour le compte des acheteurs concernés, ils ne sont solidairement responsables que des opérations de passation ou d'exécution du marché public qui sont menées conjointement. Chaque acheteur est, dans ce second cas, seul responsable de l'exécution des obligations qui lui incombent en vertu de la convention constitutive pour les opérations dont il se charge en son nom propre et pour son propre compte.La convention constitutive du groupement devra préciser ces éléments, sous peine de transformer un outil d’unification en pomme de discorde.Sources : 

Lire également :  

  • « La passation des marchés subséquents aux accords-cadres » – La Lettre Légibase Marchés publics no 128
  • « La nouvelle architecture des marchés publics » – La Lettre Légibase Marchés publics no 143