La retenue de garantie

Par Laurent Chomard

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Pour sécuriser l'exécution du marché, l'administration peut exiger des garanties financières. Cependant, l'établissement de sûretés ne doit pas se faire sans en connaître les impacts tant sur les offres que sur l'exécution financière du marché. Aussi, nous allons étudier la nature de la retenue de garantie (I), puis sa mise en œuvre (II) ainsi que ses alternatives (III) et les modalités de son remboursement au terme du marché (IV).

I. Définition de la retenue de garantie : la garantie financière d’une bonne exécution des prestations

La retenue de garantie est le premier mécanisme prévu par le Code des marchés publics pour assurer à l’acheteur public que les prestations demandées au titre du marché seront correctement réalisées. Comme l'énonce l’article 101 du CMP, « la retenue de garantie a pour seul objet de couvrir les réserves à la réception des travaux, fournitures ou services ainsi que celles formulées, le cas échéant, pendant le délai de garantie ». Une décision du Conseil d’État du 2 juin 1989, Ville de Boissy-Saint-Léger, indiquait déjà que la retenue de garantie a pour but exclusif de garantir « contractuellement l’exécution des travaux, pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître d’ouvrage ». Cette obligation dans le cadre d’un marché de travaux est dite « de parfait achèvement », telle que prévue à l'article 1792-6 du Code civil et précisé par l’article 44.1 du CCAG Travaux.Dans la version antérieure du Code des marchés publics (2004), la retenue de garantie ne pouvait être exigée par l’acheteur que si un délai de garantie était prévu au marché; or, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Par défaut, les différents cahiers des clauses administratives générales mentionnent un délai de garantie minimale d’un an (CCAG Travaux, art. 44.1 ; CCAG FCS et CCAG PI, art. 28).Il n'en demeure pas moins que prévoir une retenue de garantie a pour conséquence de surenchérir le coût du marché, l'entreprise prenant en compte son impact sur sa trésorerie. Aussi, il convient de ne prévoir une retenue de garantie que si celle-ci est  vraiment nécessaire et qu'un délai de garantie est expressément prévu au marché, ce qui concerne généralement les marchés de travaux et certains marchés de fournitures.L’article 105 du CMP prévoit que des garanties particulières peuvent être prévues au contrat, au surplus de cette garantie de « bonne exécution des prestations » prévue à l’article 101 : « Le cahier des charges détermine, s'il y a lieu, les autres garanties qui peuvent être demandées au titulaire du marché pour l'exécution d'un engagement particulier ».

II. Mise en œuvre de la retenue de garantie

La retenue de garantie consiste à prélever « par fractions sur chacun des versements autres qu'une avance », un montant qui « ne peut être supérieur à 5 % du montant initial augmenté, le cas échéant, du montant des avenants » (CMP, art. 101). À noter que le calcul de la retenue de garantie sur chaque acompte s'effectue hors révision des prix sur les prestations effectuées toutes taxes comprises. En cas de marché à bons de commande, la retenue de garantie, de 5 % maximum, s’applique sur le montant minimum ou sur le montant total des bons de commande au fur et à mesure de leur émission. Pour les marchés à tranches conditionnelles, elle s’applique tranche par tranche en fonction de l’affermissement de celles-ci.Le mandatement est effectué sans tenir compte de la retenue. C’est le comptable qui effectue le précompte de la retenue sur les sommes dues au titre d’acomptes. Le mandatement est réalisé pour la totalité mais le comptable prélève la retenue et l’impute sur un compte d’attente tiers.Ce dispositif étant financièrement pénalisant pour les entreprises, le code prévoit qu’il peut être remplacé par la garantie à première demande ou une caution.

III. Le remplacement par la caution ou la garantie à première demande

L'article 102 du Code des marchés publics permet que la retenue de garantie soit remplacée « au gré du titulaire par une garantie à première demande ou, si le pouvoir adjudicateur ne s'y oppose pas, par une caution personnelle et solidaire. Le montant de la garantie à première demande ou de la caution personnelle et solidaire ne peut être supérieur à celui de la retenue de garantie qu'elles remplacent ». Cette substitution de garantie peut être réalisée à la demande de l’opérateur économique pendant toute la durée du marché. Il est à noter que cette possibilité a été introduite par le code 2006 au bénéfice des PME, alors que dans celui de 2004, la substitution d'un autre mécanisme de garantie à la retenue de garantie devait avoir lieu avant la présentation du premier acompte.Le remplacement de la retenue de garantie par la garantie à première demande présente l’avantage pour l’entreprise de ne pas la pénaliser sur les sommes qu’elle reçoit tout en offrant à l’acheteur la certitude de pouvoir néanmoins être indemnisé de son éventuel préjudice en faisant fonctionner la garantie à première demande, laquelle est alors directement payée par la banque, porteuse de la garantie.Si la caution personnelle et solidaire ne peut remplacer la retenue de garantie que sous réserve de l’acceptation de l’acheteur, cela s’explique par sa moindre garantie vis-à-vis de ce dernier. Contrairement à une caution, la garantie à première demande est une garantie autonome (par rapport au contrat), et la banque ne peut s’opposer à une demande de paiement reçue du maître d’ouvrage (y compris en cas de dépôt de bilan de l’entreprise). En effet, dans le cadre d’une caution, la banque peut contester la raison contractuelle de la créance au même titre que l’entreprise titulaire du marché.

IV. Le remboursement de la retenue de garantie

À défaut de formulation de réserves pendant le délai de garantie, lesquelles ont pour effet de prolonger ce délai, l’article 103 du CMP indique que « la retenue de garantie est remboursée un mois au plus tard après l'expiration du délai de garantie ». Il en est de même en cas de remplacement de celle-ci par une garantie à première demande ou une caution : « les établissements ayant accordé leur caution ou leur garantie à première demande sont libérés un mois au plus tard après l'expiration du délai de garantie ». La circulaire du 14 février 2012 précise que « lorsque les conditions prévues par le code sont réunies, la libération des garanties, quel que soit le régime de garantie retenu, procède de la décision du seul ordonnateur et non du comptable public ».Sources :