La réforme du droit des marchés publics : les modes de passation

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Le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 d'application de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics est paru le dimanche de Pâques, le 27 mars, pour une entrée en vigueur de la nouvelle réglementation des marchés publics au 1er avril. Le Code des marchés publics est donc remplacé par deux textes : l’ordonnance relative aux marchés publics et le décret relatif aux marchés publics.

Il nous a semblé judicieux de faire un tour d’horizon, sous forme de feuilleton mensuel, du droit applicable aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er avril. Nous commençons par une présentation de la réforme affectant les modes de passation ou procédures de passation ou, comme les appelle dorénavant l’article 42 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, les « procédures de mise en concurrence » et vous donnons d'ores et déjà rendez-vous dans un mois pour la suite de ce feuilleton.

I. Les modes de passation formalisée

Le concours disparaît en tant que mode de passation. Dorénavant, trois procédures formalisées peuvent être mise en œuvre tant par les pouvoirs adjudicateurs que par les entités adjudicatrices : l’appel d’offres, le négocié et le dialogue compétitif. À noter que la procédure de dialogue compétitif n’existait pas pour les entités adjudicatrices dans le code de 2006.Première distinction entre les modes de passation concernant les pouvoirs et celles concernant les entités : la procédure négociée s’appelle désormais « procédure concurrentielle avec négociation » pour les pouvoirs adjudicateurs et « procédure négociée avec mise en concurrence préalable » pour les entités adjudicatrices. Ceci reflète un régime juridique moins formalisé pour les entités adjudicatrices, avec le seul article 74 du décret relatif aux marchés publics, que pour les pouvoirs adjudicateurs, avec les articles 71, 72 et 73.Deuxième différence : la procédure négociée ainsi que le dialogue compétitif sont possibles pour le pouvoir adjudicateur en raison de certaines situations qui sont définies à l’article  25, II du décret relatif aux marchés publics. Cas communs au négocié et au dialogue autorisant un recours beaucoup plus large à ces procédures que dans l’ancien code, en particulier pour le dialogue compétitif qui n’était possible que dans des cas complexes et qui peut être utilisé dorénavant « lorsque le marché public comporte des prestations de conception » (art. 25, II, al. 3). En revanche, ces deux procédures sont utilisables librement par les entités adjudicatrices.Le concours existe toujours mais, conformément au droit européen, plus en tant que mode de passation. Comme l’indique l’article 8 de l’ordonnance relative aux marchés publics, « le concours est un mode de sélection par lequel l’acheteur choisit, après mise en concurrence et avis d’un jury, un plan ou un projet, notamment dans le domaine de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’architecture et de l’ingénierie ou du traitement de données ». Il conviendra de procéder à un marché négocié sans publicité ni mise en concurrence préalable prévu à l’article 30, I, al. 6 du décret pour pouvoir attribuer le marché au lauréat du concours.

II. Les modes de passation non formalisée

Il existe deux autres modes de passation possibles : celui des procédures adaptées, mentionné à l’article 27 du décret, et celui des procédures négociées sans publicité ni mise en concurrence préalables, prévu à l’article 30. Il doit être relevé, en particulier, que les procédures adaptées pour les marchés publics répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 25 000 € HT deviennent l'un des modes négociés de l’article 30, soit le cas visé par le paragraphe I, 8°. Il en est de même pour les marchés publics dont  la mise en concurrence est impossible ou manifestement inutile, qui sont pointés au paragraphe I, 10° de ce même article. Ce qui était parfois baptisé « achat direct » au titre de l’article 28 de l’ancien code pour le démarquer  du marché à procédure adaptée (MAPA) avec mise en concurrence devient un marché négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables.

Au titre des MAPA, l’ensemble des marchés de services relèvent désormais du régime général. Seuls les services sociaux et autres services spécifiques, y compris les services juridiques hors contentieux, peuvent être passés sous forme de procédure adaptée, quel que soit le montant estimé du besoin comme le prévoit l’article 28 du décret. Enfin, les marchés publics de services juridiques de représentation, exclus du champ d’application de la directive 2014/24 par son article 10, sont couverts par le décret relatif aux marchés publics. L'article 29 du décret prévoit en effet, dans ce cas, que « l'acheteur définit librement les modalités de publicité et de mise en concurrence en fonction du montant et des caractéristiques du marché public ». L’article 29 étant dans la section « Procédure adaptée », c’est la forme la moins contraignante des procédures adaptées.

III. La commission d’appel d’offres

Le dénominateur commun de l’ensemble des procédures décrites par le décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics est sa grande sobriété. Les procédures y sont décrites de façon ramassée pour aller à l’essentiel de ce qui est propre à chacune des procédures, les « règles générales de passation »  du chapitre IV traitant, quant à elle, ce qui est commun à l’ensemble des procédures.Cette impression de sobriété est renforcée par l’évacuation par le décret de l’évocation de l’organe compétent pour attribuer le marché. C’est l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qui, par son article 101, a modifié le Code général des collectivités territoriales pour qu’y soit traitée la désignation de l’organe compétent pour attribuer les marchés publics. Ainsi, au 1er avril, l’article L. 1414-2 du CGCT prévoit que : « Pour les marchés publics dont la valeur estimée hors taxe est égale ou supérieure aux seuils européens mentionnés à l'article 42 de l'ordonnance susmentionnée, à l'exception des marchés publics passés par les établissements publics sociaux ou médico-sociaux, le titulaire est choisi par une commission d'appel d'offres composée conformément aux dispositions de l'article L. 1411-5. Toutefois, en cas d'urgence impérieuse, le marché public peut être attribué sans réunion préalable de la commission d'appel d'offres ».Ce qui signifie que l’ensemble des procédures formalisées et la plupart des négociés sans publicité ni mise en concurrence préalables donnent lieu à une attribution du marché par la commission d’appel d’offres. Il en va de même pour les procédures adaptées visées par l’article 28 et 29 du décret, soit les marchés publics de services sociaux et autres services spécifiques et ceux de services juridiques de représentation, si le montant estimé de ceux-ci est au-dessus des seuils de procédures formalisées.Sources :