La recevabilité des candidatures

Par Laurent Chomard

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La nouvelle directive 2014/24, dans son objectif de faciliter l’accès à la commande publique des PME, prévoit que le chiffre d’affaires demandé aux opérateurs économiques ne peut dépasser le double de la valeur estimée du marché, mais surtout, détaille en profondeur ce qu’elle appelle les « critères de sélection qualitative » et liste dans son annexe XII les moyens de preuve pouvant être exigés par les pouvoirs adjudicateurs. Ces critères de sélection qualitative correspondent actuellement, en droit français, à la phase de recevabilité des candidatures prévue pour toute procédure (I) par laquelle le pouvoir adjudicateur examine la candidature au regard de ses capacités juridiques, techniques et financières (II).

I. La recevabilité des candidatures : phase préalable commune à toutes les procédures

L’article 52 du Code des marchés publics impose au pouvoir adjudicateur l’examen systématique de la recevabilité des candidatures quelle que soit la procédure. En effet, l’article 52 figure parmi les dispositions communes à l’ensemble des procédures prévues au chapitre III fixant les règles générales de passation. Comme le disent Philippe Schmidt et Laure Thierry dans leur ouvrage Les marchés à procédure adaptée (Berger-Levrault, 2011, p. 77) : « Il faut donc retenir que les articles du Code des marchés publics sont applicables par principe aux marchés conclus selon une procédure adaptée, à moins qu’une disposition expresse en exclut ou en aménage l’application ». Ainsi, l’article 52 sur la sélection des candidatures s’applique bien aux MAPA, ce que confirme le guide de bonnes pratiques à l’article 11 : « L’examen de la recevabilité des candidatures est obligatoire en procédure formalisée, comme en procédure adaptée (art. 52) ». Si l’article 52 est inséré dans une sous-section intitulée « Sélection des candidatures », toutefois, cette sélection prend la forme d’un examen de la recevabilité, dans un premier temps, avec l’alinéa I, puis celui d’une sélection proprement dite, dans un deuxième temps, avec l’alinéa II qui indique que « lorsque le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre, il procède à la sélection de ces candidats en appliquant aux candidatures retenues conformément au I des critères de sélection non discriminatoires et liés à l'objet du marché relatifs à leurs capacités professionnelles, techniques et financières. »Cette limitation du nombre des candidats admis à présenter une offre concerne les procédures restreintes qui se déroulent en deux étapes successives où seuls les candidats sélectionnés sont invités à remettre une offre. Cependant, tant les procédures ouvertes, où tous les candidats remettent en même temps une candidature et une offre, que les procédures restreintes, sont concernées par cette phase d’examen de la recevabilité qui permet au pouvoir adjudicateur d’éliminer les candidatures qui sur un plan juridique, comme une interdiction de soumissionner, ou sur un plan professionnel, ne sont pas en capacité de réaliser les prestations. Ce contrôle qui doit précéder l’analyse des offres n’est pas facultatif, même si parfois il est négligé. Le Conseil d’État en a rappelé la nécessité dans la décision Institut génétique Nantes Atlantique du 29 avril 2011.

II. L’examen de la recevabilité en termes juridique, professionnel et financier

Tout d’abord, le pouvoir adjudicateur vérifie les éléments demandés au titre de la candidature, comme l’indique le code : « Le pouvoir adjudicateur qui constate que des pièces dont la production était réclamée sont absentes ou incomplètes peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai identique pour tous et qui ne saurait être supérieur à dix jours ». Cependant, ceci n’est qu’une faculté offerte au pouvoir adjudicateur de permettre une régularisation du dossier des candidatures.Le pouvoir adjudicateur, avant d’examiner les candidatures au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières, se doit d’éliminer les candidatures dont la situation juridique n’est pas correcte, c'est-à-dire celles dont les pièces exigées au titre de la candidature ne sont pas fournies. Il doit également contrôler que les candidats ne se trouvent pas dans une situation administrative qui leur interdit de soumissionner. Le pouvoir adjudicateur vérifiera que le candidat fournit les attestations de non-exclusion des marchés publics (CMP, art. 43) et de régularité vis-à-vis des obligations fiscales et sociales, déclarations sur l’honneur que l’on retrouve intégrées au formulaire DC1 de « lettre de candidature » de la DAJ. Le pouvoir adjudicateur vérifiera que les entreprises en difficulté ne soient pas en liquidation judiciaire, auquel cas la candidature sera éliminée. Si l’entreprise est en redressement judiciaire, le pouvoir adjudicateur vérifiera qu'elle est habilitée par le tribunal de commerce à poursuivre son activité pendant toute la durée prévisible d’exécution des prestations.Puis le pouvoir adjudicateur va pouvoir analyser la candidature au regard des compétences professionnelles et techniques. Cet examen est un examen de recevabilité qui a pour objet, non de sélectionner la meilleure entreprise, mais de vérifier que l’entreprise est bien compétente, capable de réaliser les prestations. Cela permet à l’acheteur d’éliminer une entreprise qui s’est trompée et qui a candidaté sans s’apercevoir que les prestations à exécuter ne correspondent pas à son métier. La preuve des capacités professionnelles peut être apportée par tout moyen. C’est pourquoi le pouvoir adjudicateur ne peut éliminer une candidature au seul motif d’absence de références, comme le mentionne l’article 52 du CMP : « L'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier l'élimination d'un candidat et ne dispense pas le pouvoir adjudicateur d'examiner les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats ». Après avoir examiné si l’entreprise est en capacité de réaliser les prestations, le pouvoir adjudicateur vérifie si l’entreprise, au vu du montant du marché, dispose d’un chiffre d’affaires suffisant pour pouvoir faire face aux investissements nécessaires à la réalisation des prestations. Cette appréciation des capacités professionnelles et techniques ainsi que des moyens financiers peut résulter de critères précis, de niveaux minimum ou « niveaux de capacités » comme l’indique l’article 52, publiés dans l’avis d’appel public à la concurrence. Ceux-ci doivent être liés et proportionnés à l’objet du marché. Selon le guide des bonnes pratiques, au point 11.4.1.1, « s'il [le pouvoir adjudicateur] n'a pas fixé de niveaux minimaux de capacités, il ne peut éliminer que les candidats ne disposant manifestement pas des capacités suffisantes pour exécuter le marché, c'est-à-dire ceux dont les capacités sont, à l'évidence, sans qu'il soit besoin d'un examen approfondi du dossier de candidature, insuffisantes pour assurer l'exécution des prestations faisant l'objet du marché. » Ce  que confirme le Conseil d’État dans sa décision du 20 mai 2009, Commune de Fort-de-France. Enfin, il convient de préciser que l’analyse d’une candidature étant globale, on ne peut écarter de celle-ci les compétences ou chiffres d’affaires apportés par un sous-traitant. Le guide des bonnes pratiques le rappelle : « De même, au III de son article 45, [le Code des marchés publics] dispose que, pour justifier de ses capacités professionnelles, techniques et financières, le candidat peut demander que soient prises en compte les capacités professionnelles, techniques et financières d'autres opérateurs économiques, quelle que soit la nature des liens existant entre ces opérateurs et lui. » Sources :