La clarification de l’offre

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L’article 1er du Code des marchés publics met en avant les principes généraux de la commande publique : « Les marchés publics et accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ». Ces principes fondamentaux sont posés afin de permettre l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics.

Cependant, le respect de ces principes ne permet pas, en soi, de garantir au pouvoir adjudicateur le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse. Pour cela, encore faut-il qu’il s’assure, lors de l’analyse des propositions des candidats, que son choix se porte sur une offre certaine, cohérente et transparente. En d'autres termes, l’offre la mieux-disante n’est pas l’offre anormalement basse, ni l’offre réservant des surprises lors de l’exécution des prestations. C'est pourquoi la clarification de l’offre est nécessaire tant au stade de l’analyse des offres (I) qu’à celui de l’attribution du marché (II).

I. Au stade de l’analyse des offres : la demande de précisions et le traitement des offres anormalement basses

La clarification des offres au stade de l’analyse des offres peut consister à demander aux candidats de préciser leur offre sur certains points. Elle peut aussi être mise en œuvre par le pouvoir adjudicateur, avant de déclarer une offre anormalement basse, afin de respecter le principe du contradictoire. Le ministère de l'Économie prévoit d’ailleurs le même formulaire OUV6 pour ces différentes formes de demande de précisions sur l’offre.Pourtant, seule la demande de précisions concernant une offre présumée anormalement basse est commune à l’ensemble des procédures. En effet, les procédures négociées ou ayant recours à la négociation ne sont pas concernées, à l’évidence, par une demande de précisions sur certains points de l’offre. C’est pourquoi le Code des marchés publics n’envisage la demande de précisions que lorsque la négociation est interdite, c'est-à-dire en appel d’offres ouvert ou restreint. Ainsi, l’article 59-I comme l’article 64-I disposent qu'« il ne peut y avoir de négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre ». Comme le précise la direction des Affaires juridiques dans une fiche consacrée à ce sujet, « ces éléments ne peuvent être réclamés que pour permettre la comparaison des offres, sans affecter le jeu de la concurrence. Ils ne doivent pas conduire à une rupture de l’égalité de traitement entre les candidats. Le principe demeure, en effet, celui de l’intangibilité des offres (CE, 21 septembre 2011, Département des Hauts-de-Seine, n° 349149). Une négociation ne peut, en aucun cas, s’instaurer permettant au candidat de modifier son offre en vue de l’améliorer ».Dans le cadre d’un récent arrêt (CJUE, 29 mars 2012, SAG ELV c/ Urad, aff. C‑599/10), la Cour de justice de l’Union européenne a précisé les contours de cette demande de clarification :

  • « la demande de clarification de l’offre ne saurait intervenir qu’après que le pouvoir adjudicateur a pris connaissance de l’ensemble des offres » (point 42) ;
  • « la demande doit être adressée de manière équivalente à toutes les entreprises qui se trouvent dans la même situation, en l’absence de motif objectivement vérifiable de nature à justifier un traitement différencié des candidats à cet égard, en particulier lorsque l’offre doit, en tout état de cause, au regard d’autres éléments, être rejetée » (point 43) ;
  • « ladite demande doit porter sur tous les points de l’offre qui sont imprécis ou non conformes aux spécifications techniques du cahier des charges sans que le pouvoir adjudicateur puisse écarter l’offre pour manque de clarté d’un aspect de celle-ci qui n’a pas fait l’objet de cette demande » (point 44).

Un arrêt du Conseil d’État rendu le 26 septembre 2012, Communauté d’Agglomération Seine-Eure, précise que le pouvoir adjudicateur n’a pas de compétence liée pour inviter les candidats à purger leurs offres d’éventuelles imperfections. Cependant, on ne saurait trop inviter les pouvoirs adjudicateurs à le faire, afin de pouvoir choisir l’offre la plus avantageuse sur la base d’une réelle comparaison des offres.De la même façon, il serait souhaitable que les pouvoirs adjudicateurs détectent l’offre anormalement basse qui va les amener à retenir une offre qui ne pourra les satisfaire et ce, au détriment d’offres plus sérieuses. En face d’une offre suspecte, l’article 55 du Code des marchés publics précise la procédure à suivre : « Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies. Pour les marchés passés selon une procédure formalisée par les collectivités territoriales et les établissements publics locaux, à l'exception des établissements publics sociaux ou médico-sociaux, c'est la commission d'appel d'offres qui rejette par décision motivée les offres dont le caractère anormalement bas est établi. Peuvent être prises en considération des justifications tenant notamment aux aspects suivants :1° Les modes de fabrication des produits, les modalités de la prestation des services, les procédés de construction ;2° Les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le candidat pour exécuter les travaux, pour fournir les produits ou pour réaliser les prestations de services ;3° L'originalité de l'offre ;4° Les dispositions relatives aux conditions de travail en vigueur là où la prestation est réalisée ;5° L'obtention éventuelle d'une aide d'État par le candidat.Une offre anormalement basse du fait de l'obtention d'une aide d'État ne peut être rejetée que si le candidat n'est pas en mesure d'apporter la preuve que cette aide a été légalement accordée. Le pouvoir adjudicateur qui rejette une offre pour ce motif en informe la Commission européenne ».

II. Au stade de l’attribution du marché : la mise au point

La possibilité de la mise au point est une caractéristique de l’appel d’offres. En effet, elle est la conséquence du principe de l’intangibilité des offres. De la même façon que la demande de précisions au stade de l’analyse des offres, elle ne permet pas de modifier l’offre mais de la compléter ou de la rectifier afin de la clarifier. Comme le précise la notice explicative du formulaire de la DAJ relative à la mise au point, celle-ci « permet de corriger des erreurs ou des anomalies évidentes quant à l'offre de l'entreprise finalement retenue ou quant aux composantes du marché. Mais elle n'est en aucun cas une négociation de l'offre, ni un moyen de régulariser une modification des documents de consultation ».Ainsi les articles 59-II et 64-II du CMP indique  qu’« il est possible, en accord avec le candidat retenu, de procéder à une mise au point des composantes du marché sans que ces modifications puissent remettre en cause les caractéristiques substantielles de l'offre ni le classement des offres ». On notera qu’à la différence des clarifications pouvant être demandées au stade de l’analyse des offres, la mise au point permet des modifications d’une plus grande amplitude puisque la limite posée par le code est celle des modifications substantielles et du classement des offres – et non des précisions permettant de bien comprendre l’offre. Si la mise au point du marché peut permettre l’adaptation des prestations au plus fin, elle ne peut permettre de modifier le montant de l’offre proposée par le candidat comme l’a dernièrement illustré un arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 17 janvier 2013, Préfet de la région Nord-Pas-de-Calais.Cette plus grande souplesse s’explique par le fait que le but recherché par la mise au point est d’assurer une correcte exécution du marché tout en respectant les conditions initiales de la mise en concurrence. La mise au point ne concerne que l’attributaire du marché et non l’ensemble des candidats. Elle doit se faire dans un délai raisonnable afin d’éviter tout soupçon de négociation. Elle peut, soit consister dans la modification de l’acte d’engagement ou d'un autre document contractuel avec signature des deux parties à côté de la partie modifiée, soit être établie grâce au formulaire de mise au point OUV 11 de la DAJ.Sources :