Groupement solidaire, groupement conjoint : faites le bon choix !

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Les entreprises peuvent se grouper temporairement pour répondre à un marché public, grâce à la constitution d’un groupement momentané d’entreprises. On parle alors de cotraitance, laquelle ne doit pas être confondue avec la sous-traitance. Nous étudierons tout d’abord ce droit reconnu aux entreprises de pouvoir se grouper pour répondre à un marché public, dénommé cotraitance (I), puis les deux formes juridiques que peut prendre ce groupement : solidaire ou conjoint (II). Enfin, nous analyserons l’impact de la solidarité sur les PME dans le cadre d’un groupement solidaire (III).

I. Le droit à la cotraitance

Le droit à la cotraitance est posé par l’article 51 du Code des marchés publics : « Les opérateurs économiques sont autorisés à se porter candidat sous forme de groupement solidaire ou de groupement conjoint, sous réserve du respect des règles relatives à la concurrence ». Par le groupement momentané d’entreprises, les petites et moyennes entreprises, qui ne disposent pas à elles seules de la capacité à exécuter le marché, peuvent accéder plus facilement à la commande publique.Chaque cotraitant devient alors titulaire du marché, et non le groupement, dans la mesure où il ne dispose pas de personnalité morale (CE, 24 février 1988, Groupe Gerpiam, n° 53523). À la différence du sous-traitant, le cotraitant membre du groupement signe l'acte d'engagement ou donne un pouvoir au mandataire commun pour le signer en son nom, en vue d’établir un lien contractuel direct avec le pouvoir adjudicateur.L’acheteur public ne peut interdire l'accès des groupements d'entreprises aux marchés ou exiger que les candidats se présentent groupés (Question écrite n° 53032 (Assemblée nationale) – Réponse publiée le 8 septembre 2009). Auparavant, le règlement de consultation pouvait autoriser ou non la cotraitance. Mais sous l’influence du droit communautaire, ce droit a été institué dans le Code des marchés publics en 2001. La directive 2004/18 indique aujourd’hui clairement à l’article 4.2 que « les groupements d'opérateurs économiques sont autorisés à soumissionner ou à se porter candidats. Pour la présentation d'une offre ou d'une demande de participation, les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent exiger que les groupements d'opérateurs économiques aient une forme juridique déterminée, mais le groupement retenu peut être contraint de revêtir une forme juridique déterminée lorsque le marché lui a été attribué, dans la mesure où cette transformation est nécessaire pour la bonne exécution du marché ».

II. Les deux formes juridiques de groupement : groupement solidaire et groupement conjoint

Un groupement momentané d'entreprises peut revêtir soit la forme du groupement solidaire, soit celle du groupement conjoint avec mandataire solidaire ou non. En effet, dans les deux formes, il y a lieu de désigner un mandataire qui a pour fonction de représenter l’ensemble des membres vis-à-vis de l’acheteur public et de coordonner les prestations de ces derniers.La forme juridique que décide d’adopter le groupement résulte des mentions portées à l’acte d’engagement. Si, par ailleurs, pour constituer un groupement momentané d’entreprises, celles-ci établissent une convention de groupement, cette dernière est inopposable au pouvoir adjudicateur.Le groupement conjoint est la forme juridique de groupement la plus transparente. L’article 51 du Code des marchés publics la définit ainsi : « Le groupement est conjoint lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement s'engage à exécuter la ou les prestations qui sont susceptibles de lui être attribuées dans le marché. » Cette forme de groupement se concrétise par le fait que l'acte d'engagement indique le montant et la répartition détaillée des prestations que chacun des membres du groupement s'engage à exécuter (CMP, art. 51-III). Le règlement sera versé à chacun des cotraitants, c'est pourquoi l’acte d’engagement doit aussi mentionner les coordonnées bancaires de chacun d'entre-eux.Le groupement solidaire est la forme juridique la plus contraignante pour les entreprises, puisqu’elle institue une solidarité entre ses membres vis-à-vis du pouvoir adjudicateur. L’article 51 du code précise le contour de cette solidarité : « Le groupement est solidaire lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché ». L’acte d’engagement mentionne alors les coordonnées bancaires d’un compte ouvert au nom des entrepreneurs groupés ou du mandataire et le paiement des prestations se fait sur ce compte unique, sauf si le marché prévoit une répartition et indique les modalités de cette répartition (CCAG Travaux, art. 11.6.1 ; CCAG FCS, art. 12.1 ; CCAG PI, art. 12.1.2 ; CCAG TIC, art. 12.1.2 ; de légères différences d’écriture entre les CCAG sont à noter sur ce point).

III. La solidarité financière : un frein pour les PME

La solidarité du groupement solidaire ou du mandataire solidaire dans un groupement conjoint est une solidarité contractuelle de nature financière uniquement. En effet, depuis le Code des marchés publics de 2006, cette solidarité a été restreinte à l'aspect financier. Cela signifie que cette solidarité contractuelle ne peut être étendue aux aspects techniques ni inclure une obligation de faire. Relevons qu'au nom de l'ancienne forme de solidarité, la cour administrative d'appel de Paris avait considéré que chacun des membres d’un groupement solidaire devait présenter l’ensemble des qualifications pour la totalité des lots techniques, chaque entreprise étant tenue de pallier les insuffisances éventuelles des autres cotraitants (CAA Paris, 10 octobre 2000, Préfet de Seine-Saint-Denis, n° 99PA03442).Depuis 2006, cette solidarité se résume à une simple garantie de solvabilité pour le pouvoir adjudicateur. Elle constitue une sécurité pour le créancier contre les inconvénients de la division des poursuites et l’insolvabilité d’un codébiteur qui pourrait résulter de la division de la dette. Ainsi, l’absence de faute ou de participation d’une entreprise aux travaux est sans incidence sur son obligation, en tant que cotraitant solidaire, de réparer le préjudice subi par un pouvoir adjudicateur du fait de manquements commis par le groupement dans l’exécution de ses obligations contractuelles (CE, 29 septembre 2010, Région Aquitaine, n° 332068).Si, au stade des candidatures, le pouvoir adjudicateur ne peut exclure une forme de groupement, l’article 51-VII du Code des marchés publics l’autorise à en imposer une à l’attributaire du marché. « Dans ce cas, la forme imposée après attribution est mentionnée dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans le règlement de la consultation » (CMP, art. 51-VII, dernier alinéa). Lorsque celle-ci est imposée, il s’agit généralement du groupement solidaire. En effet, par facilité, beaucoup d’acheteurs publics imposent le groupement solidaire ou, a minima, le groupement conjoint avec mandataire solidaire. Or, le Code des marchés publics ne permet d’imposer une forme de groupement que « si cette transformation est nécessaire pour la bonne exécution du marché » (CMP, art. 51-VII). On peut à cet égard s’interroger sur cette condition dans la mesure où la solidarité est purement financière.En pratique, le pouvoir adjudicateur qui désire faciliter l’accès de la commande publique aux PME devra éviter le groupement solidaire ou le groupement conjoint avec mandataire solidaire. En effet, elle peut effrayer des sociétés qui prendraient un risque trop grand au vu de leur capacité financière.Sources :