Balade estivale dans le paysage des contrats publics

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Si les marchés publics sont des contrats publics, l'inverse ne se vérifie pas. En effet, tous les contrats publics ne sont pas des marchés publics. Néanmoins, certains contrats peuvent être qualifiés comme tels malgré leur intitulé. Le juge peut en effet requalifier en marché public telle ou telle pratique conventionnelle à la mode. Ainsi, afin de mieux cerner ce qu’est un marché public, nous vous proposons, en cette période estivale, de rappeler la définition des marchés publics et les vaines tentatives contractuelles pour échapper à cette qualification (I), avant de faire un petit tour d’horizon des autres contrats publics (II).

I. Le marché public : un contrat à l’épreuve des camouflages

Le propre d’un marché public est qu’il est soumis à un principe de mise en concurrence et à des obligations assez lourdes  définis par le Code des marchés publics. Aussi, après avoir étudié la définition qui en est donnée par ce même code, nous évoquerons les faux-nez derrière lesquels il se cache parfois afin d’échapper à ces obligations de mise en concurrence. 1.1. Définition du marché public  L’article 1er du Code des marchés publics donne la définition du marché public. Il s’agit de « contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ». Cette définition doit de suite être rapprochée de celle de l’accord-cadre donnée dans le même article : « Les accords-cadres sont les contrats conclus entre un des pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, ayant pour objet d'établir les termes régissant les marchés à passer au cours d'une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées ». Ainsi, l’accord-cadre se distingue du marché public en ce sens qu’il est un contrat préalable à la passation d’un marché public proprement dit, quand bien même les marchés publics et les accords-cadres sont soumis tous deux au Code des marchés publics – que l’on devrait plus justement nommer « Code des marchés publics et des accords-cadres ». À noter qu'un contrat qui remplit les conditions posées par l’article 1er peut néanmoins être exclu du champ d’application du Code des marchés publics s’il entre dans les cas dérogatoires listés à l’article 3 du même code. 1.2. Les faux-nez des marchés publics : convention de recherche d’économie, convention d’objectifs… Le juge administratif exerce un contrôle rigoureux sur la qualification des contrats publics. Il peut ainsi requalifier en marchés publics des conventions qui n’ont pas été considérées comme telles par les pouvoirs adjudicateurs. En général, l’argument utilisé est l’absence de prix à payer par le pouvoir adjudicateur. Or, depuis l’arrêt n° 247298 en date du 4 novembre 2005, Société Jean-Claude Decaux, l’absence de prix ne signifie pas pour autant absence de caractère onéreux de la convention, lequel peut notamment résulter d’un abandon de recettes. Ainsi, la mise en place d’une convention d’objectifs et de moyens portant sur l’organisation d’un festival de musique organisé à l’initiative de la commune avec comme contrepartie des places gratuites et l’octroi d’une « subvention » annuelle a été requalifiée de marché public par le Conseil d’État par une décision en date du  23 mai 2011, Commune de Six-Fours-Les-Plages (voir, sur ces points, la fiche pratique du MINEFI « Marchés publics et autres contrats »). Du même ordre, des collectivités se voient proposer des conventions de recherche d’économies dites « d’optimisation fiscale » par des entreprises qui proposent leurs services en échange d’une rémunération sur la seule base d’un pourcentage des économies qu’elle fait réaliser à la personne publique. Or, plusieurs tribunaux administratifs ainsi qu’une cour administrative d’appel ont requalifié ces conventions en marchés publics et prononcés leur nullité en raison du défaut de mise en concurrence préalable (voir, notamment, CAA Bordeaux, 11 janvier 2011, Société Collectivités territoriales ressources (CTR), n° 09BX02684). 

II. Les contrats publics qui ne sont pas des marchés publics

Si le marché public est le contrat administratif le plus ancien, puisqu’il remonte à l’Ancien Régime, d’autres formes contractuelles ont, depuis, vu le jour. Nous les aborderons tour à tour. 2.1. La convention de délégation de service public (DSP) La loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, dite « loi Murcef », définit la délégation de service public comme un « contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée au résultat de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service ». Un marché public comme une délégation de service public est un contrat onéreux mais dans le cas de la délégation, la collectivité, au lieu de payer un prestataire pour rendre un service à la population pour son compte, délègue à une entreprise la gestion d’un service public qui se rémunère auprès de l’usager. La délégation se distingue du marché public en ce que la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. 2.2. La concession de travaux publics Les concessions de travaux publics sont régies par l’ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009. Selon l’article 1er de l’ordonnance, « les contrats de concession de travaux publics sont des contrats administratifs dont l’objet est de faire réaliser tous travaux de bâtiment ou de génie civil par un concessionnaire dont la rémunération consiste soit dans le droit d’exploiter l’ouvrage, soit dans ce droit assorti d’un prix ». On remarque que l’ordonnance qualifie ces contrats de contrats administratifs et non de marchés publics, ce qui leur donne une existence juridique distincte des marchés de travaux exécutés en maîtrise d’ouvrage publique. Ces contrats se distinguent également des contrats de partenariat car la rémunération vient des usagers et non du pouvoir adjudicateur ; ce sont donc des délégations de service public d’un type particulier définies par une loi particulière. 2.3. Le contrat de partenariat  Les contrats de partenariats sont régis par l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 modifiée par la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008, pour l’État et ses établissements publics, repris par le Code général des collectivités territoriales pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux. Ce nouveau type de contrat est similaire au Private Finance Initiative (PFI) anglais. La puissance publique délègue à un partenaire privé à la fois la conception, la réalisation, le financement, l’exploitation et la maintenance d’équipements ou de services publics, donc des responsabilités et des pouvoirs sensiblement supérieurs à ce qu’ils sont dans la DSP classique. 2.4. Le bail emphytéotique administratif (BEA) Le bail emphytéotique est un contrat régi par l’article L. 451-1 du Code rural. Le recours à ce type de contrat a été autorisé par le législateur afin de favoriser le financement privé d'ouvrages publics. Le bail emphytéotique administratif permet ainsi à une collectivité publique de concéder un terrain à un tiers qui pourra y construire un ouvrage, lequel deviendra, à l’issue du bail, propriété de la collectivité. 2.5. L’autorisation d’occupation temporaire avec levée d’option-acquisition (AOT/LOA) L’État et ses établissements publics (CGPPP, art. L. 2122-6 et s.) ainsi que les collectivités territoriales, leurs établissements et leurs groupements (CGCT, art. L. 1311-5 et s.) peuvent délivrer sur leur domaine public des autorisations d’occupation temporaire. Pour les besoins de la justice, de la police nationale, de la gendarmerie, des armées ou des services du ministère de la Défense, l’article L. 2122-15 du Code général de la propriété des personnes publiques permet à l’État de prendre à bail l’ouvrage construit par l’occupant et, le cas échéant, de lever une option lui permettant d’acquérir, avant le terme fixé par l’autorisation d’occupation, les ouvrages édifiés (AOT/LOA). Dans ce cas, le bail comporte des clauses permettant de préserver les exigences du service public. 2.6. La vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) Dispositif prévu à l’article 1601-3 du Code civil, la vente en l'état futur d'achèvement est « le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux. Le vendeur conserve les pouvoirs de maître de l'ouvrage jusqu'à la réception des travaux ». Le Conseil d’État a encadré le recours à la VEFA par sa décision Région Midi-Pyrénées en date du 8 février 1991. Désormais, lorsque les quatre conditions suivantes sont remplies de manière cumulative, le pouvoir adjudicateur n’est pas autorisé à recourir à la VEFA :

  • l’objet de l’opération est la construction même d’un immeuble ;
  • la construction est effectuée pour le compte du pouvoir adjudicateur ;
  • l’immeuble est entièrement destiné à devenir la propriété du pouvoir adjudicateur ;
  • l’immeuble a été conçu en fonction des besoins propres du pouvoir adjudicateur.

Sources :