1er octobre 2018 : l’achat public passe au numérique !

Par Laurent Chomard

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Au 1er octobre 2018 se concrétise pour les collectivités locales la complète dématérialisation des procédures de marchés publics, et ce, pour toute consultation engagée ou avis d'appel à la concurrence envoyé à la publication à compter de cette date.

La DAJ, consciente du bouleversement tant pour les acheteurs que pour les candidats, a mis en ligne des guides très complets, réactualisés cet été, afin de préparer au mieux les acteurs de l’achat public à cette échéance. En même temps, elle publiait des arrêtés afin de finaliser le passage à la dématérialisation. Ces arrêtés liés à la dématérialisation entre en vigueur au 1er octobre et courant septembre d’autres devraient suivre. À noter que l’arrêté du 27 juillet 2018 fixant les modalités de mise à disposition des documents de la consultation et de la copie de sauvegarde est d’ores et déjà applicable, il permet de supprimer l’arrêté du 14 décembre 2009 relatif à la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics devenu obsolète.

De façon synthétique, nous allons examiner ce passage au numérique de l’achat public sous l’angle des procédures concernées et pour ces procédures, les actes concernés.

I. La dématérialisation de presque toutes les procédures de passation

Les collectivités locales devaient déjà être en mesure de recevoir les candidatures et les offres transmises par voie électronique pour toutes les procédures de passation des marchés publics (D. n° 2016-360, art. 40). Seules les procédures d’achats portant sur l’informatique au-dessus de 90 000 euros devaient obligatoirement être dématérialisées par l’acheteur.

Désormais à compter du 1er octobre 2018, c’est l’ensemble des procédures de passation de marchés publics qui doivent être dématérialisées, conformément à l’article 41 alinéa I du décret marché public : c’est-à-dire toutes les consultations ouvertes ou restreintes estimées à 25 000 euros HT ou plus, sauf exceptions listées à l’article 41 alinéa II.

Toutes les exceptions de l'article 41 alinéa II sont logiques. Ainsi, l’acheteur peut se dispenser de la dématérialisation de la procédure de passation en cas de négocié sans publicité ni mise en concurrence en dessous des seuils de procédure formalisée (D. n° 2016-360, art. 41 II 1°), ce qui semble compréhensible pour une procédure sans documents de consultation, hormis les documents contractuels, mais pourquoi restreindre cela aux procédures en deçà des seuils. Autre exception permettant de déroger à l'obligation de dématérialisation : les marchés portant sur les services sociaux et autres services spécifiques qui peuvent être passés en MAPA, quels que soient leur montant en vertu de l’article 28 du décret (D. n° 2016-360, art. 41 II 2°). Là aussi cette procédure prévue à l'article 28 a pour but d'alléger les formalités liés à ces marchés, ce n'est pas pour les compliquer avec la dématérialisation.

Puis, le pouvoir réglementaire liste des raisons techniques permettant de ne pas appliquer la dématérialisation et cela quel que soit la procédure de passation : ainsi, les procédures pour lesquelles la dématérialisation de la procédure n’est pas aisée en raison d’outils informatiques ou de formats de fichiers spécifiques (D. n° 2016-360, art. 41 II 3° et 4°) ou en raison d’une demande d’échantillon ou de maquette (D. n° 2016-360, art. 41 II 6°).

Enfin, n'oubliant pas les toutes petites communes ou structures publiques, le pouvoir réglementaire, pragmatique, leur permet d'échapper à cette obligation, en prévoyant qu'il peut être dérogé à l’obligation de dématérialisation lorsque les acheteurs ne disposent pas de matériels informatiques (D. n° 2016-360, art 41 II 5°).

Reste néanmoins des incertitudes sur le périmètre des « procédure de passation » concernées. Ainsi, la dévolution des marchés subséquents en vertu d’un accord-cadre n’est pas une procédure de passation à proprement parler, ni ne donne lieu à un avis d’appel public à la concurrence. Elle ne semble donc pas stricto sensu concernée par l’obligation de dématérialisation posée à l’article 41 alinéa I. Cependant, en toute logique, elle devrait être concernée par la dématérialisation. 

De même, le concours qu'il soit ouvert ou restreint ne fait pas partie des procédures de passation, telles que définies par l'article 42 de l'ordonnance marchés publics et n'est donc pas à priori concerné par les obligations de dématérialisation définies par l'article 41 du décret marché public. Sauf que contrairement à l'article 40 qui pointe les procédures de passation, l'article 41 alinéa I qui oblige à la dématérialisation à compter du 1er octobre, vise toute consultation engagée ou avis d'appel à la concurrence envoyé à la publication, et non seulement les procédures de passation, ce qui semble y inclure le concours et le marché subséquent.

II. La dématérialisation de toutes les étapes procédurales de passation

Comme l’indique la DAJ dans son guide, l’obligation de dématérialisation ne s’arrête pas à la mise à disposition des documents de la consultation ou à la réception des candidatures ou des offres, elle concerne l’ensemble des communications et tous les échanges d'informations dans le cadre des procédures de passation des marchés publics. Déjà, depuis le 1er avril 2018, l’acheteur est tenu d’être en mesure de recevoir et d’accepter un DUME électronique, conformément à l’article 49 alinéa I du décret marché public. Désormais, toutes les étapes procédurales d’une consultation sont concernées, c’est-à-dire les questions/réponses des acheteurs et des entreprises ou encore les demandes d’informations, de compléments, les échanges relatifs à la négociation, les notifications des décisions (lettre de rejet, etc.).

C’est bien pour cette raison que l’arrêté du 14 avril 2017 relatif aux fonctionnalités et exigences minimales des profils d'acheteurs, corrigé par l’arrêté du 27 juillet 2018 a étendu le champ des fonctionnalités obligatoires devant être fournies par les profils d’acheteurs.

Ce même arrêté oblige chaque acheteur, en son article 4 alinéa 3, à déclarer son profil d’acheteur sur le site du gouvernement data.gouv.fr pour le 1er octobre 2018.

Une seule étape échappe à la dématérialisation, celle de la signature de l’acte d’engagement tant pour les candidats que pour l’attributaire. Là, la rematérialisation est acceptée afin de ne pas rendre trop difficile dans un premier temps le passage à la dématérialisation. À noter aussi que même en cas de procédure dématérialisée, l'acheteur doit permettre la réception des copies de sauvegardes sur support physique électronique ou papier et donc continuer à permettre la réception physique avec une adresse de dépôt traditionnelle.

Enfin, rappelons que l’article 107 du décret marchés publics oblige, pour tout contrat dont la consultation est engagée à compter du 1er octobre 2018, à ce que l’acheteur public offre « sur son profil d'acheteur, un accès libre, direct et complet aux données essentielles des marchés publics répondant à un besoin dont la valeur est égale ou supérieure à 25 000 euros HT, à l'exception des informations dont la divulgation serait contraire à l'ordre public. » Cet accès passe par la mise à disposition par l'acheteur sur son site de dématérialisation (profil d'acheteur) un fichier JSON ou XML permettant de télécharger ces données (A., 14 avril 2017 relatif aux données essentielles dans la commande publique, art. 8).

Cette démarche d’open data se substitue d’ores et déjà à celle de la liste des marchés conclus mis en place par l’article 133 de l’ancien code et à terme à celle des fiches de recensement actuellement renseignées par l’acheteur dans l’application REAP.

Sources :