Résiliation unilatérale d’un marché sans indemnisation : c’est possible !

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Les acheteurs ont la possibilité de résilier unilatéralement un marché pour un motif d'intérêt général sans indemniser son titulaire, à la condition que l’une des clauses du contrat le prévoie expressément. Dans son arrêt du 19 décembre 2012, le Conseil d’État a rappelé cette possibilité, qui n’est pas inscrite précisément dans le Code des marchés publics mais issue de la jurisprudence.

L’article 12 du Code des marchés publics dispose en effet que les pièces constitutives d’un marché comportent obligatoirement « les conditions de résiliation », sans indiquer quelles peuvent être ces conditions. Dans le litige opposant le préfet de la région Bretagne et la société AB Trans, le Conseil d’État a rappelé que les principes généraux applicables aux contrats administratifs « ne s'opposent pas à ce que des stipulations contractuelles écartent, comme en l'espèce, tout droit à indemnisation en cas de résiliation du contrat par la personne publique ».

Retour sur l’affaire : le préfet de Bretagne avait conclu avec la société AB Trans un marché à bons de commande pour le transport de farines animales, marché qu’il décide de résilier unilatéralement six mois plus tard. La société titulaire du marché saisit alors le juge, réclamant une indemnisation du manque à gagner subi du fait de cette résiliation. Or, le cahier des clauses administratives particulières applicables au marché prévoit à l'article 11 que « la personne responsable du marché pourra mettre fin au marché sans indemnité et à tout moment par décision de résiliation qui devra être notifiée par courrier recommandé avec accusé de réception ».

La société AB Trans conteste cet article et demande qu’il soit « regardé comme nul en tant qu'il présente un caractère potestatif et porte atteinte au droit à l'équilibre financier du contrat ». Or, rappelle le Conseil d’État, le pouvoir adjudicateur a tout à fait le droit d’inscrire dans le marché une condition prévoyant la résiliation unilatérale et sans indemnité du marché.

C’est d’ailleurs ce que rappelle la direction des Affaires juridiques du ministère de l’Économie dans sa fiche pratique sur la résiliation unilatérale des marchés publics. Lors d’une résiliation pour motif d’intérêt général, « en vertu de la liberté contractuelle dont disposent les parties, le contrat, par une clause expresse, peut exclure toute indemnisation (CE, 10 décembre 1982, Loiselot, n° 22856) ou prévoir une indemnisation transactionnelle moindre que le montant du dommage, ou même une indemnisation supérieure à condition qu’elle ne soit pas disproportionnée ».

Ce dernier point a d’ailleurs été récemment repris par une jurisprudence du Conseil d’État du 22 juin (arrêt n° 348676), qui rappelle que l’indemnisation – même prévue contractuellement – ne peut être « manifestement excessive par rapport au préjudice subi ». Cette jurisprudence va même plus loin en étendant au non-renouvellement du contrat, et pas uniquement à la résiliation de celui-ci, les conditions d’une indemnisation raisonnable.

En matière de résiliation et d’indemnisation, si la liberté du pouvoir adjudicateur est donc relativement vaste, la jurisprudence se prononce régulièrement en faveur d’une gestion plutôt économe des deniers publics !

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