Réforme du Code des marchés publics : quel est l’impact du décret n° 2011-1000 du 25 août ?

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Le décret modifiant certaines dispositions du Code des marchés publics est paru au Journal officiel du 26 août. Ce texte modifie également les décrets n° 2005-1308 du 20 octobre 2005 et n° 2005-1417 du 30 décembre 2005 pris en application de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics.

Parmi les principaux apports de ce décret, on trouve l’introduction dans le Code des marchés publics des contrats de performance énergétique et l’extension de leur champ d’application à d'autres modes de performance. Ce texte ouvre également la possibilité aux acheteurs de retenir, parmi les critères de choix de l'offre économiquement la plus avantageuse, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture. Il supprime l'obligation de lier variante et offre de base. Il comporte enfin des mesures de simplification et de clarification, notamment sur la reconduction tacite des marchés reconductibles et les révisions de prix.

Coup de projecteur sur les principales nouveautés introduites par le décret.

1. La reconduction tacite devient le principe (CMP, art. 16)

Le Code des marchés publics qui disposait que: "Le pouvoir adjudicateur prend par écrit la décision de reconduire ou non le marché" indique désormais que « sauf stipulation contraire, la reconduction prévue dans le marché est tacite et le titulaire ne peut s’y opposer ».

2. L’actualisation des tranches conditionnelles d’un marché (CMP, art. 18)

Contrairement à ce qui était indiqué dans une fiche du MINEFI intitulée « Actualisation et marchés à tranches » publiée le 20 janvier 2004 et à l’arrêt n° 09NT03053 de la Cour administrative d’appel de Nantes en date du 2 juillet 2010, mais conformément à ce qui est indiqué dans le nouveau CCAG travaux (art. 10.4.2), le décret n° 2011-1000 complète l’article 18 du CMP par l’alinéa suivant : « Dans les marchés à tranches conditionnelles régis par l’article 72, le prix de chaque tranche est actualisable dans les conditions déterminées par les troisième à sixième alinéas du présent III. Cette actualisation est opérée aux conditions économiques observées à une date antérieure de trois mois au début d’exécution des prestations de la tranche ».

3. Définition des circonstances justifiant l’absence de publicité et de mise en concurrence (CMP, art. 28)

Jusqu’à ce décret du 25 août, l’article 28 du code prévoyait à son dernier alinéa que « le pouvoir adjudicateur peut décider que le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalables si les circonstances le justifient, ou si son montant estimé est inférieur à 4 000 € HT, ou dans les situations décrites au II de l’article 35 ». On pouvait s’interroger sur ce qu’il convenait d’entendre par « si les circonstances le justifient ». L’arrêt Pérez du 10 février 2010, tout en censurant le seuil de 20 000 €, avait donné une réponse. C’est celle-ci qui est aujourd’hui intégrée au dispositif de l’article 28, conformément à ce que la direction des Affaires juridiques avait annoncé : « L'absence de publicité et de mise en concurrence peut en outre être justifiée si ces formalités sont impossibles ou sont manifestement inutiles en raison notamment de l'objet du marché, de son montant ou du faible degré de concurrence dans le secteur considéré ».

4. Ajout de la performance énergétique comme motif permettant le recours au marché de conception-réalisation (CMP, art. 73)

L’article 73-II du Code des marchés publics dispose désormais que si un marché de réalisation et d'exploitation ou de maintenance « comprend la réalisation de travaux qui relèvent de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985, l'entrepreneur ne peut être associé à la conception que pour la réalisation d'engagements de performance énergétique dans un ou des bâtiments existants, ou pour des motifs d'ordre technique tels que définis à l'article 37 ».

5. Modification concernant les modèles d'avis de publicité à utiliser au dessus des seuils communautaires (CMP, art. 40)

La règle de la double publication des avis de marché et des avis d’attribution selon le modèle européen et le modèle national, devenue obsolète, est supprimée : au-dessus des seuils communautaires, seul le modèle européen doit être utilisé. Le décret dispose expressément que les avis envoyés au BOAMP sont publiés sur support papier ou sous forme électronique. En outre, l’obligation d’utiliser le formulaire national d’avis d’appel public à la concurrence pour la publicité complémentaire obligatoire dans la presse spécialisée est supprimée.

Pour les marchés de services de l’article 30, les pouvoirs adjudicateurs ne sont pas tenus de publier les avis de marchés sur leur profil d’acheteur. Ils sont désormais aussi dispensés de cette obligation pour les documents de la consultation (art. 10).

6. Libéralisation des réponses aux consultations par suppression de l'obligation de lier variante et offre de base (CMP, art. 50)

Importante nouveauté, le décret supprime de l’article 50-III la phrase : « Les variantes sont proposées avec l'offre de base ». Parallèlement, le projet de mise à jour du guide de bonnes pratiques indique que « les variantes peuvent être déposées sans offre de base si le pouvoir adjudicateur n'a pas mentionné, dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation, que les variantes devaient nécessairement être accompagnées d'une offre de base ». En effet, il semble utile de rappeler que dans les procédures formalisées, les variantes doivent être expressément autorisées par le pouvoir adjudicateur et qu’à l’inverse, les variantes sont par principe autorisées dans les procédures adaptées, sauf si le pouvoir adjudicateur les interdit expressément.

7. Ajout du critère « performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture » (CMP, art. 53)

Comme l’explique le projet de nouveau guide de bonnes pratiques, « ce critère permet d’inciter les commanditaires à privilégier les circuits courts, c’est-à-dire la vente de l’agriculteur au consommateur sans intermédiaire ou avec un seul intermédiaire. Outre ses effets favorables sur l’environnement, la prise en compte des performances en matière de développement des approvisionnements directs permet un approvisionnement en produits de l’agriculture de qualité ».

8. Introduction des contrats globaux sur performance ou « marchés associant conception, réalisation et exploitation ou maintenance » (CMP, art. 73)

Ce dispositif met en œuvre les lois Grenelle I du 3 août 2009 et Grenelle II du 12 juillet 2010 en matière de performance énergétique. Il n’est pas, cependant, limité à la seule performance énergétique sauf en ce qui concerne les marché de travaux et pourra être utilisé pour tout contrat ayant pour but de satisfaire des objectifs chiffrés de performance définis notamment en termes de niveau d’activité, de qualité de service, d’efficacité énergétique ou d’incidence écologique. Ainsi, deux formes de contrats globaux sont instituées :

  • le marché de réalisation et d’exploitation ou de maintenance de l’article 73-I, qui associe l’exploitation ou la maintenance à la réalisation de prestations ;
  • le marché de conception, réalisation et d’exploitation ou de maintenance de l’article 73-II, qui associe l’exploitation ou la maintenance à la conception et à la réalisation de prestations.

9. Clarification du rôle du jury dans les appels d’offres de maîtrise d’œuvre (CMP, art. 74)

Les personnalités désignées par le président du jury présentant un intérêt particulier (CMP, art. 24-I, d) et les membres du jury ayant une qualification équivalente à celle exigées des candidats (CMP, art. 24-I, e) ont désormais voix délibérative et non consultative. Le nouvel article 74-III, b dispose en effet que le « jury composé dans les conditions définies au I de l’article 24 émet un avis motivé sur les candidatures et sur les offres ».

10. Possibilité d’utiliser le dialogue compétitif en matière de maîtrise d'œuvre pour la réhabilitation d'un ouvrage ou la réalisation d'un projet urbain ou paysager (CMP, art. 74)

L’article 74-IV dispose désormais que « lorsque les conditions de recours au dialogue compétitif sont réunies, cette procédure peut être mise en œuvre pour l'attribution d'un marché ou d'un accord-cadre de maîtrise d'œuvre pour la réhabilitation d'un ouvrage ou la réalisation d'un projet urbain ou paysager ». Il est également précisé que « le montant de la prime attribué à chaque participant au dialogue est égal au prix de toutes les études demandées par le maître d'ouvrage et définies par le règlement de la consultation affecté d'un abattement au plus égal à 20 % ».

11. Suppression de la dérogation à l’obligation de respecter les délais de suspension pour certains marchés (CMP, art. 80)

La dérogation qui visait « les appels d'offres ou les marchés négociés, lorsque le marché est attribué au seul candidat ayant présenté une offre répondant aux exigences indiquées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation » est remplacé par « dans le cas d’attribution du marché au seul opérateur ayant participé à la consultation », plus conforme au droit européen. Ce faisant, cette modification intègre l’apport de la récente jurisprudence Société Koné du 1er juin 2011 (n° 346405) dans laquelle le Conseil d'État avait déclaré cette disposition contraire au droit européen.

12. Application des nouvelles dispositions

À l'exception des articles qui modifient des références devenues obsolètes, le décret n° 2011-1000 s'applique aux projets de contrat pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence envoyé à la publication postérieurement à sa date d'entrée en vigueur. Les contrats en vue desquels une consultation a été engagée avant cette même date demeurent soumis aux dispositions antérieurement applicables.

Sources :

Lire également :

  • « Le décret modifiant le Code des marchés publics publié d’ici septembre – L'interview de Catherine Bergeal » – La Lettre Légibase Marchés publics n° 39
  • « La nouvelle version du Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics soumise à consultation » – La Lettre Légibase Marchés publics n° 40