Pouvoirs adjudicateurs : attention à l'utilisation des fonds européens !

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En cas de non-respect des procédures de marchés publics par un pouvoir adjudicateur, un État est autorisé à demander le remboursement des subventions perçues dans le cadre de ce marché. La question a été tranchée le 7 décembre 2011 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et reprise par le Conseil d’État dans une décision en date du 21 mars 2012.

Cette décision a son importance puisqu’elle peut ainsi revenir sur le financement d’un projet déjà en cours voire achevé, jusqu’à un certain délai de prescription. Les collectivités et leurs établissements publics doivent donc se montrer extrêmement prudents sur l’usage des fonds européens, et bien respecter les procédures, au risque d’être contraints de rembourser les subventions perçues.

L’affaire examinée par la CJUE porte sur le financement d’une opération intitulée « Objectif entreprise », menée en 1995 par la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de l’Indre. Le but de l’opération était de rechercher des investisseurs français et étrangers susceptibles de s’installer dans le département de l’Indre. Ayant effectué une demande de subvention, la CCI a alors signé une convention avec le préfet de l’Indre portant attribution d’une subvention Feder (Fonds européen de développement régional) d’un montant de près de 61 000 €.

Le marché portant sur la réalisation de l’opération « Objectif entreprise » a ensuite été attribué à la société DDB-Needham. Or, un contrôle préfectoral a révélé qu’au vu du montant du marché (supérieur à 200 000 € HT), la CCI de l’Indre n’a pas respecté les procédures d’appel d’offres prévues par le Code des marchés publics. L’appel d’offres n’est intervenu qu’en tant que « régularisation formelle de la situation de droit déjà existante au titre du contrat », indique la préfecture. Autrement dit, le prestataire avait été choisi avant le lancement de l’appel d’offres. De plus, le marché n’avait pas fait l’objet d’une publication au Journal officiel des Communautés européennes (aujourd'hui Journal officiel de l'Union européenne).

L’affaire a donc été portée devant le juge jusqu’au Conseil d’État, qui a alors suspendu son jugement pour se tourner vers la CJUE, qui conclut en ces termes : « Lorsque l’examen d’une action financée par le FEDER révèle une violation des conditions prescrites pour la réalisation de cette action, en l’occurrence […] la réglementation de l’Union relative à la passation des marchés publics lorsque le bénéficiaire du financement a la qualité de pouvoir adjudicateur, l’État membre qui a attribué un concours financier du FEDER peut […] révoquer ledit concours et demander à ce bénéficiaire le remboursement dudit financement. »

En tant qu’établissement public de l’État, la CCI de l’Indre a bien le statut de pouvoir adjudicateur. La méconnaissance des règles de la commande publique implique que les fonds structurels perçus au titre de ce projet par la CCI « doivent être regardés comme perdus à la suite d'un abus ou d'une négligence », ajoute la CJUE. La CCI de l’Indre n’a donc eu d’autre choix que de rembourser la somme perçue auprès du Feder.

Cet exemple illustre l’attention particulière que doivent porter les collectivités territoriales et les établissements publics aux financements de leurs projets. En essayant de rassembler des subventions auprès d’institutions diverses (l’Union européenne, la région, le département etc.), les pouvoirs adjudicateurs espèrent multiplier leurs chances de faire aboutir les projets.

Mais il devient de plus en plus difficile de cumuler les financements, d’autant plus que la réforme des collectivités territoriales limite désormais le recours à ces « financements croisés ». Elle contraint en effet les maîtres d’ouvrage à appliquer une participation minimale de 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques à un projet. La réforme pose également le principe du « non-cumul des subventions » du département et de la région à un projet communal ou intercommunal, sauf dans les domaines de la culture, du tourisme ou du sport. La fin des financements croisés est-elle annoncée ?

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