Nouveau projet d'ordonnance : la défaite des PME ?

Publié le

Nous nous sommes procuré le nouveau projet d'ordonnance de transposition des directives « marchés publics » : fruit de nombreuses corrections, le texte n'est pas à droit constant. En ressortent des éléments saillants qui mettent à mal l'ouverture des marchés vers les petites et moyennes entreprises.

Premier élément inquiétant pour les petites et moyennes entreprises : la reformulation complète de l'article 27 de l'ordonnance. Jusqu'à présent, l'obligation d'allotir n'était pas sujette à exceptions, sauf pour certains marchés (marchés subventionnés, marchés globaux, contrats de partenariat et marchés de défense). Le nouveau projet remet en cause cet équilibre en ouvrant à tous les marchés la possibilité pour les opérateurs économiques de présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus, ce qui est actuellement interdit par l'article 10 du Code des marchés publics. Dans les faits, cela permettra aux grandes entreprises de présenter des offres avec des prix variables selon le nombre d'offres retenues.

Second élément, qui concerne moins d'acheteurs publics : l'achat transnational serait facilité. Le nouveau projet d'ordonnance prévoit la possibilité pour les acheteurs publics de recourir à des centrales d'achats ou des groupements en partenariat avec d'autres acheteurs de l'Union européenne. Ces achats seront soumis au droit de la commande publique applicable selon le lieu où se trouve le siège de la centrale d'achat ou des groupements de commande.

Le risque de forum shopping, c'est-à-dire d'un choix par les acheteurs publics de passer leurs commandes là où le droit est le moins contraignant, est assez important. Avec, à la clef, une exclusion possible des petites et moyennes entreprises locales au profit de grandes entreprises transnationales.

Cerise sur l'ordonnance, le nouveau projet n’impose finalement plus de seuil minimal en ce qui concerne le montant des opérations pour lesquelles un marché de partenariat peut être conclu, même si l’article 66 du projet prévoit que la décision de recourir à un marché de partenariat doit être précédée de la réalisation d’une évaluation préalable, laquelle doit faire apparaître les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif qui justifient le recours à un tel montage contractuel.

Destinés à limiter le recours aux marchés de partenariat, les marchés publics globaux se voient, quant à eux, désormais décomposés en trois catégories que sont les marchés publics de conception-réalisation, les marchés publics globaux de performance et les marchés publics globaux sectoriels. Selon l’article 28 du projet, un marché public de conception-réalisation est un marché de travaux permettant à l’acheteur de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux. Les marchés publics globaux de performances associent quant à eux l’exploitation ou la maintenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance. L’on retrouve donc ici les marchés de réalisation, d’exploitation et de maintenance (REM), ainsi que les marchés de conception, de réalisation, d’exploitation et de maintenance (CREM) de l’article 73 du Code des marchés publics. Enfin, les marchés publics globaux sectoriels regroupent plusieurs hypothèses spécifiques où les acheteurs publics peuvent confier à un opérateur économique la conception, la réalisation et la maintenance d’une seule et même opération. La définition plus précise des règles permet de mieux encadrer le recours à ces marchés dérogeant au principe de l'allotissement... mais aussi d'en faciliter l'utilisation puisqu'il suffira de « suivre le guide ».

Au jeu de la consultation, les grandes entreprises ont gagné. Le projet d'ordonnance qui a fuité n'est toutefois pas définitif. Les pouvoirs publics, et notamment les élus, pourront peut-être rééquilibrer les règles pour tenir les objectifs tant affirmés de recours plus fréquent à des petites et moyennes entreprises.

Source :