L’important, c’est l’égalité de traitement

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Si les pouvoirs adjudicateurs peuvent déterminer librement la méthode de notation des offres, celle-ci ne doit pas pour autant être susceptible de remettre en cause les principes d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Tel est du moins ce que s’attache à rappeler cet arrêt rendu le 3 novembre 2014 par le Conseil d’État.

En l’espèce, la commune de Belleville-sur-Loire avait publié un avis d’appel public à la concurrence en vue de l’attribution d’un marché à bons de commande pour l’entretien de ses espaces verts. Les quatre lots que comprenait le marché avaient été finalement attribués à la société Milan Paysages. Mais à la suite d’un déféré préfectoral, le tribunal administratif d’Orléans annula les quatre contrats passés par la commune. Face au rejet de sa demande par le juge administratif d’appel, la commune de Belleville-sur-Loire forma alors un pourvoi devant la haute juridiction administrative.

Confirmant l’arrêt d’appel, le Conseil d’État rejette le pourvoi de la commune. Celui-ci estime que la méthode de notation adoptée par cette commune pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres portait atteinte aux principes d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

En effet, si les pouvoirs adjudicateurs peuvent établir librement la méthode de notation des offres, cette liberté n’est toutefois pas absolue. Ainsi, la haute juridiction administrative souligne que « ces méthodes de notation sont entachées d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie ».

Or, la méthode de notation adoptée en l’espèce par la commune avait conduit à neutraliser le critère du prix de sorte que les offres ne pouvaient être différenciées qu’au regard des autres critères de sélection. Cette méthode était ainsi susceptible de conduire à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie, contrairement à ce que prévoit l’article 53 du Code des marchés publics.

À cet égard, il est d’ailleurs intéressant de relever que la méthode adoptée, pour la mise en œuvre du critère du prix, reposait notamment sur l’écart entre le prix de l’offre notée et le prix de l’offre la plus basse. Comme le relève le Guide des prix dans les marchés publics publié par la direction des Affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’Économie et des Finances, le choix d’une telle méthode peut s’avérer risqué, notamment en cas d’offres économiquement déraisonnables mais non irrégulières.

Cet arrêt est également l’occasion pour le Conseil d’État de préciser l’impossibilité, pour le pouvoir adjudicateur, de régulariser pareil vice dans le choix de la méthode de notation des offres. La commune de Belleville-sur-Loire s’était effectivement prévalue d’avoir publié sa méthode de notation dans l’avis d’appel public à la concurrence. L’information des candidats étant acquise, la méthode de notation viciée devait, selon le pouvoir adjudicateur, être régularisée.

D’aucuns auraient pu y voir un prolongement de la jurisprudence administrative en ce qui concerne le principe de loyauté contractuelle (CE, 28 déc. 2009, Commune de Béziers, n° 304802). En effet, la commune avait publié sa méthode de notation alors même qu’elle n’y était pas contrainte (CE, 21 mai 2010, Commune d’Ajaccio, n° 333737). Par ailleurs, l’ensemble des candidats avaient été informés de la méthode de notation et avaient ainsi pu adapter leur offre.

Tel ne fût cependant pas l’avis du Conseil d’État qui rejeta de façon lapidaire ce moyen soulevé par la commune de Belleville-sur-Loire.

Cet arrêt permet donc à la haute juridiction administrative de rappeler aux pouvoirs adjudicateurs leurs obligations quant au respect des principes d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures lors du choix de leurs méthodes de notation. Celles-ci ne doivent pas effectivement être susceptibles de conduire à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Enfin, c’est donc sur le terrain du principe de loyauté contractuelle que la solution du Conseil d’État s’illustre en rejetant tout moyen tendant à régulariser un tel vice dans la méthode de notation des offres.

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