Les seules réserves émises lors de la phase de négociation d’un marché ne sont pas de nature à établir une faute de l’acheteur public

Par Arnaud Barthélémy

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Si le titulaire d’un marché public est en droit d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices résultant d’une faute commise par l’acheteur public, les seules réserves émises par ce dernier au cours d’une phase de négociation du marché n’est pas de nature à caractériser une telle faute. Tel est du moins ce qu’il ressort de cet arrêt rendu le 10 avril 2017 par la cour administrative de Marseille dans le cadre d’un contentieux opposant la commune de Puisserguier, son maître d’œuvre et la société Sade CGTH.

La commune de Puisserguier avait passé un marché public à procédure adaptée relatif à la création d’un réseau d’assainissement et d’une station d’épuration. En dépit de réserves émises sur la durée d’efficacité du système de déphosphatation proposé par la société Sade CGTH, la commune avait tout de même choisi de sélectionner cette société, cette dernière s’étant d’ailleurs engagée à proposer d’autres solutions.

Pour autant, et alors même que le CCTP prévoyait la remise d’un échantillon dans un délai de trois mois à compter de l’attribution du marché, la société Sade CGTH n’avait toujours pas proposé d’autres solutions à la commune. Cette difficulté engendra ainsi des retards en termes de délais puisque ce n’est qu’au bout de 73 jours, et après acceptation de délais d’exécution supplémentaires, que la commune finit par opter pour le système de déphosphatation initial, aucune autre solution plus performante n’ayant pu être proposée par la société Sade CGTH.

Lors du règlement du marché, la commune du Puisserguier appliqua des pénalités de retards conformément aux dispositions des articles 20.1 et suivants du CCAG Travaux. La société Sade CGTH contesta cependant l’application de ces pénalités et saisit le juge administratif. D’une part, la société requérante souhaitait obtenir l’indemnisation de ses préjudices résultant, selon elle, d’une faute commise par le maître d’œuvre et la commune, et, d’autre part, à l’annulation des pénalités de retards qui lui avaient été appliquées. L’affaire fût portée en appel.

La cour administrative d’appel de Marseille rejeta toutefois la demande indemnitaire liée à une éventuelle faute commise par la commune et son maître d’œuvre, tout en admettant une réfaction sur les pénalités de retard appliquées par cette dernière.

S’agissant de la responsabilité de la commune et de son maître d’œuvre, les juges administratifs d’appel appliquent la feuille de route posée par la jurisprudence Société Tonin (CE, 12 nov. 2015, n° 384716) : l’indemnisation du titulaire d’un marché public à prix forfaitaire pour faute de l’acheteur public n’est possible que lorsque cette faute a été commise par ce dernier dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre. Or, la cour administrative d’appel de Marseille estima que les seules réserves émises par le maître d’œuvre lors de la négociation du marché ne pouvaient constituer une faute de nature à engager sa responsabilité, et cela même si un ordre de service accordant des délais supplémentaires à la société Sade CGTH avait été émis afin de lui permettre de trouver un système de déphosphatation plus efficace.

Bien que cette dernière circonstance n’emportât pas la conviction des juges administratifs d’appel sur l’existence d’une faute commise par la commune, notamment en ce qui concerne l’estimation de ses besoins, ceux-ci accordèrent toutefois à la société Sade CGTH une réfaction sur le montant des pénalités de retards appliquées correspondant aux délais supplémentaires qui lui avaient été accordés.

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