Hôpitaux et administrations centrales privés de PPP, les collectivités sous contrôle étroit de l'État

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La crise des finances publiques locales et hospitalières, mise encore plus en exergue depuis l'abandon de la parité plancher du franc suisse par rapport à l'euro, aboutit à une décision juridique forte : les contrats complexes, qui cachaient souvent des clauses financières très défavorables aux personnes publiques, sont écartés ou contrôlés.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014-2019 leur interdit, à compter du 1er janvier 2015 de passer des contrats de partenariat, des autorisations d'occupation temporaire du domaine public, des baux emphytéotiques et des contrats de crédit-bail.

Sans être interdit, le recours aux contrats de partenariat sera plus encadré pour les collectivités territoriales, puisque devant passer un contrôle d'opportunité préfectoral, rendu à la lecture de l'évaluation préalable prévue par le Code général des collectivités territoriales, puis le traditionnel contrôle de légalité, à compter du 1er janvier 2016. Cela sera-t-il assez pour désamorcer ce que les sénateurs Portelli et Sueur qualifiaient de bombes à retardement ?

Quelles sont les personnes interdites de passer des contrats complexes ?

L'article 34 de la loi de programmation des finances publiques évoque « la catégorie des administrations publiques centrales et dont la liste est établie par l'arrêté mentionné au I de l'article 12 de la loi no 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 » tout en excluant l’État. Définissant largement les personnes concernées, au détriment de la simplicité de lecture, cette qualification renvoie au règlement européen du 25 juin 1996 qui décrit l'administration centrale comme composée par « tous les organismes administratifs de l'État et autres organismes centraux dont la compétence s'étend normalement sur la totalité du territoire économique, à l'exception des administrations de sécurité sociale de l'administration centrale [dont] les institutions sans but lucratif qui sont contrôlées et majoritairement financées par l'administration centrale et dont la compétence s'étend à l'ensemble du territoire économique. »

Autre cible, mieux définie : « Les établissements publics de santé et les structures de coopération sanitaire dotées de la personnalité morale publique ». Les hôpitaux, les agences régionales de santé ou encore les EHPAD sont concernés. Les rapports de la Cour des comptes dont celui, particulièrement critique, du mois de février 2014, dans lequel les contrats de partenariat conclus dans le cadre du plan Hôpital de 2007 étaient qualifiés de « mal maîtrisés », semblent fonder en partie cette interdiction.

Quels sont les contrats concernés ?

L'article 34 de la loi cite 4 types de contrats différents : contrat de partenariat, autorisation d'occupation temporaire du domaine public (AOT), baux emphytéotiques et contrats de crédit-bail. La diversité de ces instruments cache mal une unité très forte, qui tient à l'objet profond du contrat : recourir de manière détournée à l'emprunt. En effet, soit directement (contrats de partenariat et crédit-bail), soit indirectement, via des AOT ou des baux emphytéotiques adossés à des délégations de service public, les personnes publiques achetaient une prestation en demandant à son contractant d'avancer les frais. Montages contractuels et financiers, ces contrats permettaient de qualifier les remboursements de loyer et non plus de charges d'investissement, permettant d'assainir provisoirement les bilans.

Or, selon les propres termes de la Cour des comptes dans le rapport sur les contrats complexes passés lors du plan Hôpital, « ces procédures avaient été engagées de manière précipitée ; les avantages qui sont attribués aux partenariats public-privé ont été mal exploités ; leurs enjeux financiers ont été insuffisamment pris en compte », avec pour conséquences des engagements financiers difficile à tenir in fine.

Quel contrôle pour les personnes publiques encore autorisées à contracter ?

Mis à part l’État, les seules autres personnes publiques autorisées à contracter sont les collectivités territoriales et leurs établissements publics. L'importance de leurs investissements (plus des deux tiers de l'investissement public français, chiffre en baisse) et le caractère modéré des dérapages financiers dans cette matière contractuelle a invité le législateur a se montrer plus clément... mais pas naïf. Des gardes fous sont désormais installés, et entreront en vigueur à compter du 1er janvier 2016.

Un garde-fou contractuel existe depuis 2008 : la définition du besoin fait l'objet d'une étude préalable sur les contrats de partenariat. Ainsi, « les contrats de partenariat donnent lieu à une évaluation préalable précisant les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif qui conduisent la personne publique à engager la procédure de passation d'un tel contrat. Cette évaluation comporte une analyse comparative de différentes options, notamment en termes de coût global hors taxes, de partage des risques et de performance, ainsi qu'au regard des préoccupations de développement durable. Lorsqu'il s'agit de faire face à une situation imprévisible, cette évaluation peut être succincte », selon les termes de l'article L. 1414-2 du Code général des collectivités territoriales.

Jusqu'au 1er janvier 2016, il appartient à l'assemblée ou l'organe délibérant de la personne publique locale de se prononcer à la lecture de cette étude sur l'opportunité de conclure un tel contrat.

À compter de cette date, ce contrôle d'opportunité sera effectué par le représentant de l’État compétent ! Les contournements de cette règle, comme le Conseil d’État l'a sanctionné dans un arrêt du 30 juillet 2014 pour la construction d'un musée par la commune de Biarritz en recourant à un contrat de partenariat, auront sans doute moins cours.

La dynamique à l’œuvre avec cette loi n'est pas une disparition des contrats complexes, dont l'utilité peut être avérée. Il s'agit seulement d'un retour de l’État en la matière, bien plus puissamment qu'avec le seul levier de la mission d'appui aux partenariats public-privé. Par un contrôle soit du préfet, soit du ministère directement puisque « l’État peut conclure, pour le compte d'une personne publique [un de ces contrats] à la condition que le ministère de tutelle ait procédé à l'instruction du projet et que l'opération soit soutenable au regard de ses conséquences sur les finances publiques et sur la situation financière de la personne publique », le partenariat public-privé sous toutes ses formes voit sa dangerosité être réduite.

En matière de droit de la commande publique et de liberté contractuelle, il s'agit peut-être de la première illustration du principe du révolutionnaire Lacordaire selon lequel « c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. »

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