Fausses déclarations et recours des candidats évincés : les précisions du Conseil d'État

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Une société évincée d’un marché est susceptible d’être lésée par de fausses déclarations d’un concurrent et ce, « quel qu'ait été son propre rang de classement à l'issue du jugement des offres ». Cette conclusion d’un arrêt du Conseil d’État, du 3 octobre dernier permet notamment de reconsidérer l’impact de la jurisprudence Smirgeomes.

Voici les faits : le conseil général du Val-de-Marne avait lancé un appel d’offres en vue de l’attribution d’un marché à bons de commande portant sur les transferts et déménagements de mobiliers et matériels sur les sites et établissements départementaux. Saisi par une société évincée du marché, le juge des référés a annulé la procédure au motif que la société retenue a effectué de fausses déclarations, provoquant ainsi une rupture du principe d’égalité des candidats. Décision aussitôt attaquée en cassation par la société attributaire du marché.

Le Conseil d’État a confirmé l'annulation du marché. Il rappelle que le juge des référés avait constaté que « des informations figurant dans le dossier de candidature présenté par la société Déménagements Le Gars - Hauts-de-Seine Déménagements étaient fausses ». Le chiffre d’affaires, vérifié par la société écartée du marché, ainsi que les informations relatives au montant des salaires et à la valeur des véhicules « étaient incompatibles avec les déclarations relatives à l'effectif salarié et au nombre de véhicules figurant dans le dossier de candidature », souligne le Conseil d’État.

Le Conseil d’État indique également que « la prise en compte par le pouvoir adjudicateur de renseignements erronés relatifs aux capacités professionnelles, techniques et financières d'un candidat est susceptible de fausser l'appréciation portée sur les mérites de cette candidature au détriment des autres candidatures et ainsi de porter atteinte au principe d'égalité de traitement entre les candidats ». Une fausse déclaration risque en effet de priver les candidats qui ont une chance sérieuse d'emporter le marché.

L’arrêt Smirgeomes du 3 octobre 2008 pose comme principe que le juge des référés doit vérifier si le candidat qui effectue un recours est « susceptible d’avoir été lésé ou risque d’être lésé par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence ». Or, dans ce nouvel arrêt, le Conseil d’État estime que la société requérante est lésée quel que soit son rang dans le classement des offres, autrement dit, quelles que soient ses chances d’obtenir le marché. Pour le Conseil d’État, il n’est donc pas nécessaire d’avoir une chance de remporter le marché pour être potentiellement lésé par de fausses déclarations.

Or jusque-là, la jurisprudence comme les textes se montraient relativement restrictifs concernant les motifs de rejet d’une candidature. Le Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics précise ainsi au point 11.4 que le pouvoir adjudicateur, s'il n'a pas fixé de niveaux minimaux de capacités, « ne peut éliminer que les candidats ne disposant manifestement pas des capacités suffisantes pour exécuter le marché », et ce, sans qu’un examen approfondi du dossier de candidature soit nécessaire.

Dernièrement, le Conseil d’État s'est prononcé en faveur d'une vérification plus approfondie des capacités techniques, financières et professionnelles des candidats, dans un arrêt du 29 avril 2011. Ce nouvel arrêt du 3 octobre 2012 semble aller dans le même sens. Même si l'entreprise retenue a les capacités techniques et financières de prendre en charge le marché, le seul fait d'avoir fondé sa candidature sur de fausses déclarations risque d'avoir « lésé le candidat qui invoque ce manquement », sauf – et ce sont les seules restrictions annoncées par le Conseil d’État – si la candidature du requérant « devait elle-même être écartée » ou si son offre est jugée « inappropriée, irrégulière ou inacceptable ».

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