Contre la fraude aux salariés détachés : ouvriers du BTP, vos papiers !

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Publié le 22 février dernier au Journal officiel, le décret no 2016-175 relatif à la carte d’identification professionnelle des salariés du bâtiment et des travaux publics vient renforcer l’arsenal juridique français contre la fraude au détachement des salariés. Il impose la possession d'une carte sous peine d'amende pour l'employeur.

Pour rappel, cette lutte avait été relancée sous l’impulsion de l’Union européenne avec l’adoption de la directive 2014/67/UE du 15 mai 2014 portant exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de service. Cette directive avait été transposée par la loi « Savary » du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale et le décret du 30 mars 2015 relatif au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal.

Avaient ainsi été notamment mis en place l’obligation, pour les entreprises qui entendaient détacher des salariés sur le sol français, d’adresser à l’inspection du travail une déclaration de détachement et de présenter sans délai aux services de l’inspection du travail tout document exigible dans le cadre du détachement. À cet égard, les donneurs d’ordres ou les maîtres d’ouvrage qui auraient choisi de contracter avec une entreprise ayant recours à des travailleurs détachés avaient également l’obligation de vérifier que cette déclaration avait bien été réalisée.

Une obligation de vigilance du maître d’ouvrage et du donneur d’ordre avait également été mise en place concernant les conditions d’hébergement collectif des salariés détachés de leur sous-traitant qui seraient incompatibles avec la dignité humaine, mais également l’exercice des libertés individuelles et collectives de travail.

Par ailleurs, ce nouvel arsenal juridique avait permis d’instituer une responsabilité solidaire du maître d’ouvrage, ou du donneur d’ordre, avec l’employeur du salarié, s’agissant du paiement des rémunérations, des indemnités et des charges dues au salarié.

Enfin, en cas de manquement à ces diverses obligations, le régime des sanctions avait également été renforcé.

Par la loi « Macron » du 6 août 2015, le Gouvernement avait toutefois voulu intensifier l’arsenal juridique existant en renforçant, ou du moins en tentant de renforcer, la présence de l’inspection du travail sur le terrain, en prévoyant la suspension des prestations de service illégales et en augmentant le plafond des sanctions administratives en cas de non-respect de la déclaration préalable de détachement par les entreprises ayant recours, sur le sol français, à des travailleurs détachés.

Mais la loi du 6 août 2015 prévoyait également l’extension de la carte d’identification professionnelle obligatoire, jusqu’alors circonscrite aux salariés employés par une société française et aux travailleurs détachés en France par une société étrangères. Avec près de 300 000 ressortissants communautaires détachés chaque année sur le territoire national, l’initiative pouvait effectivement sembler justifiée.

Par le décret n° 2016-175 du 24 février dernier, c’est chose faite ! Désormais, cette carte sera obligatoire pour l’ensemble des salariés du BTP, qu’ils soient détachés ou non. Seront toutefois exclus de cette obligation les architectes, diagnostiqueurs immobiliers, les métreurs, les coordinateurs en matière de sécurité et de protection de la santé, les chauffeurs et les livreurs.

Tous les autres métiers du BTP disposeront ainsi d’une carte individuelle sécurisée mentionnant sa date de délivrance, l’identité du salarié ainsi qu’une photographie, un code permettant d’accéder aux données relatives à l’emploi exercé par le salarié, et, enfin, les coordonnées de l’organisme en charge de la gestion de ces cartes.Par ailleurs, selon la nature et la nationalité de l’entreprise, d’autres informations complémentaires pourront être contenues par ces cartes professionnelles.

La durée de validité de cette carte dépendra également selon que l’entreprise est établie en France ou à l’étranger ou que celle-ci a recours à l’intérim ou non.

À noter également : le décret n° 2016-175 étant entré en vigueur le lendemain de sa publication, l’ensemble des entreprises concernées disposent d’un délai de deux mois maximum pour se conformer à cette nouvelle obligation.

En cas de non-respect, celles-ci s’exposent à une amende administrative de 2 000 euros par salarié non déclaré (la somme étant portée à 4 000 euros en cas de récidive), le montant total de celle-ci pouvant aller jusqu’à 500 000 euros !

Sources :