Conflits d’intérêts : le gouvernement veut des fonctionnaires exemplaires

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La prévention des conflits d’intérêts fait actuellement l’objet d’une attention particulière du gouvernement. Pour les agents publics et les pouvoirs adjudicateurs, de nouveaux dispositifs de prévention pourraient ainsi voir le jour, si les textes de loi sont adoptés. Plusieurs projets de loi devraient ainsi être prochainement examinés au Parlement.

Les deux premiers textes ont déjà fait couler beaucoup d’encre : il s’agit d’un projet de loi et d’un projet de loi organique relatifs à la transparence de la vie publique. Un texte voulu par François Hollande et faisant suite à « l’affaire Cahuzac ». L’article 3 du projet de loi avait provoqué la polémique puisqu’il prévoit que l’ensemble des membres du gouvernement, dans les deux mois qui suivent leur nomination, doivent effectuer une déclaration de leur situation patrimoniale. Il n’a pour l’instant pas obtenu l’aval des parlementaires, également concernés par la mesure dans le projet de loi organique.

Mais ce qui intéresse plus particulièrement les collectivités territoriales, c’est la notion de conflit d’intérêts qui se trouve au cœur des différents textes de loi. Ainsi le projet de loi relatif à la transparence de la vie publique définit le conflit d’intérêts comme étant une « situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à compromettre ou à paraître compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».

Le troisième projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires s’appuie sur cette définition pour renforcer la prévention des conflits d’intérêts auprès des agents publics. Il prévoit de modifier le statut de la fonction publique pour mieux prévenir ces conflits. Le texte pose le principe selon lequel « le fonctionnaire veille à prévenir et à faire cesser immédiatement les situations de conflits d’intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver, dans la mesure où une telle situation est de nature à compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions ».

Les marchés publics sont donc au premier plan : les juges condamnent régulièrement les situations où le pouvoir adjudicateur, son personnel et les membres des organes décisionnels du pouvoir adjudicateur ont un intérêt privé direct ou indirect dans le résultat de la procédure de passation. La jurisprudence récente montre cependant que trop de prudence peut nuire à la collectivité. Ainsi, en mai 2012, la commune de Saint-Maur-des-Fossés avait vu sa procédure annulée car elle avait évincé une entreprise candidate au motif qu’elle avait des liens avec une élue. Le Conseil d’État avait jugé que les liens invoqués « n’étaient pas susceptibles de faire naître un doute sur l’impartialité du pouvoir adjudicateur ».

La définition du conflit d’intérêts telle qu’elle est proposée dans le projet de loi sur la transparence de la vie publique précise bien ce point. Les situations ne sont problématiques que si elles compromettent l’exercice « indépendant, impartial et objectif » des fonctions. Le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, instaure quant à lui une garantie « visant à protéger l’agent public qui relate ou témoigne, de bonne foi, de faits susceptibles d’être qualifiés de conflits d’intérêts dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, afin d’interdire que cela puisse nuire d’une quelconque manière au déroulement normal de sa carrière ». Il fait reposer la charge de la preuve sur l’auteur de la mesure contestée, tandis que l’agent qui en réfère aux autorités est présumé de bonne foi. Le projet de loi précise les obligations légales des agents qui estiment se trouver en situation de conflit d’intérêts et, sur le même modèle que le projet de loi de transparence de la vie publique, il met en place un régime de déclaration d’intérêts à la charge de certains agents particulièrement exposés du fait de leurs fonctions.

Les mesures tendant à sécuriser à tout prix les risques de conflits d’intérêts, si elles sont appliquées trop strictement comme dans l’affaire de la commune de Saint-Maur-des-Fossés, peuvent aussi être un facteur d’immobilisme de l’action publique locale. En 2011, une proposition de loi visant à renforcer l'attractivité et à faciliter l'exercice du mandat local tendait à encadrer les délits de favoritisme et la prise illégale d’intérêts afin que les élus ne soient pas sanctionnés pénalement si leur bonne foi est démontrée. Mais le texte n’a toujours pas été examiné par le Sénat.

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