Annulation du décret 20 000 : le Conseil d'État « remet les pendules à l'heure »

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Depuis sa publication le 10 février, l'arrêt du Conseil d'État annulant le « décret 20 000 » agite le monde de la commande publique. Car même si les conclusions du rapporteur public Nicolas Boulouis allaient dans ce sens, l'annulation du seuil des 20 000 euros, un peu plus d’un an après sa mise en place, reste une surprise.

Petit rappel des faits. En décembre 2008, dans le cadre du plan de relance, le gouvernement publie un décret au Journal officiel, relevant le seuil au-dessous duquel un marché public peut se passer de publicité et de mise en concurrence de 4 000 à 20 000 euros. Mais le 10 février, le Conseil d'État juge qu'en relevant ce seuil, « le pouvoir réglementaire a méconnu les principes d'égalité d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures », cités à l'article 1erdu Code des marchés publics.

Pour Maître Bernard-Michel Bloch, avocat au barreau des Hauts-de-Seine et spécialiste des questions marchés publics, cette décision « remet les pendules à l'heure ». Le Conseil d'État a considéré qu'on ne pouvait pas « d'un seul coup faire passer de manière générale le seuil de 4 000 à 20 000 ». D'autant plus qu'il reste possible pour un marché supérieur à 4 000 euros de se passer des procédures de mise en concurrence et de publicité, lorsque celles-ci sont « impossibles ou manifestement inutiles notamment en raison de l’objet du marché, de son montant ou du degré de concurrence dans le secteur considéré », comme le souligne le Conseil d'État dans sa décision.

En bloquant définitivement le seuil à 4 000 euros, le Conseil d'État aurait alors pour objectif de faire en sorte que de moins en moins de marchés publics soient dispensés de publicité et de mise en concurrence. Maître Bloch rappelle à cet égard l'exemple de la loi sur la sous-traitance de 1975, qui prévoit de dispenser de paiement direct obligatoire les marchés d'un montant inférieur à 600 euros. « Ce seuil a été transposé à partir d'un seuil en francs et n'a jamais été rehaussé depuis 1975 », explique-t-il. « Conséquence logique : aujourd'hui tous les travaux sous-traités doivent faire l'objet d'un paiement direct, car très peu de marchés se situent au-dessous des 600 euros ».

Depuis le 10 février, « pro-20 000 » et « anti-20 000 » font valoir leur point de vue. Pour Alain Ménéménis, conseiller d'État, le décret du 19 décembre 2008 s'inscrit dans une volonté permanente de simplification des procédures de marchés publics. Cette volonté allant parfois jusqu'à « la dispense pure et simple, a priori et de façon générale, de toute obligation » (Achatpublic.com, 10 février 2010). Selon lui, le Code des marchés publics propose déjà suffisamment de souplesse et de liberté aux acheteurs. Il n'est pas nécessaire d'en rajouter.

Pour Maître Bloch, au sujet de la publicité et de la mise en concurrence, il n'est pas prouvé que le maintien de ce formalisme euros aboutisse à un meilleur achat : « Il faut voir aussi le coût de ces procédures pour les collectivités publiques », souligne-t-il.

Quant au ministère de l'Économie, à l'origine du fameux décret, il s'est fait relativement discret sur les conséquences de son annulation. Dans un communiqué publié le 12 février, il se contente de prendre acte de la décision du Conseil d'État et de rappeler que « le relèvement du seuil a, comme le dispositif temporaire des avances sur marchés publics, produit les effets désirés dans la politique de relance ». Bercy annonce qu'il va étudier à l'avenir « la meilleure manière d’organiser la passation des petits marchés ».

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