Absence d’indemnisation systématique du candidat évincé en cas d’irrégularité de la procédure

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Nombre de candidats non retenus à l’issue d’une procédure de marché public s’essayent à la contestation du rejet de leur offre, avec plus ou moins de succès. Mais quand bien même leurs prétentions trouveraient écho face au juge, encore faut-il que leurs demandes indemnitaires aboutissent. Et aucune certitude n’existe, comme le prouve cette décision du Conseil d’État du 10 février 2017.

Un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) lance en 2009 une procédure d’appel d’offres ouvert pour un marché de travaux. Son offre pour un lot étant rejetée, une entreprise s’aventure à contester la décision. Elle soutient entre autres que « le contenu des documents de consultation méconnaît l’article 50 du Code des marchés publics faute d’encadrer les variantes autorisées par l’avis d’appel public à la concurrence et le règlement de consultation » (CAA Nancy, 23 juill. 2015, no 14NC02239), et réclame en ce sens indemnisation au titre des frais engagés pour la présentation de son offre.

Le juge d’appel avait bien relevé qu’au vu des documents de la consultation, certaines règles de la commande publique n’étaient pas respectées. L’absence d’encadrement des modalités de présentation des variantes était avérée, ce qui constituait une méconnaissance certaine de l’article 50 du Code des marchés publics. L’infraction à cette disposition devait-elle pour autant conduire l’entreprise évincée à se voir automatiquement reconnaître une perte de chance sérieuse d’emporter le marché ?

Ni la cour administrative d’appel, ni le Conseil d’État ne se sont prononcés en ce sens. Non seulement la société n’était pas dépourvue de toute chance de remporter le marché, condition constamment rappelée par les juridictions pour reconnaître à une entreprise évincée un droit à indemnité (CE, 18 juin 2003, no 249630), mais l’irrégularité ayant affectée la procédure de passation n’est pas plus jugée comme étant la cause directe de l’éviction du candidat.

Inspirée du droit civil, la position du juge reste invariable : même si elle est établie, l’irrégularité dont se pourvoit un candidat évincé doit présenter un lien de causalité avec le préjudice qu’il estime avoir subi et dont il demande indemnisation (CE, 10 juill. 2013, no 362777). L’irrégularité n’était pas contestée, mais « n’avait affecté ni la sélection des candidatures, ni le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ». La demande d’indemnisation ne pouvait donc qu’être rejetée.

Hume en son époque nia avec vigueur la théorie des causes énoncée par Aristote. Mais il ne pourrait aujourd’hui faire mentir le sage philosophe : l’absence de cause ne produit toujours pas d’effet.

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